Projet de véloroute V50 entre Corre et Port-sur-Saône : Le compte n’y est toujours pas

Alors que l’Enquête Publique sur le projet de Véloroute V50 entre Corre et Port-sur-Saône porté par le département de Haute-Saône est close depuis le 8 avril dernier, les ONG considèrent que le compte n’y est toujours pas.

Le 23 juin 2020, les ONG environnementalistes apportaient aux autorités publiques une contribution étayée au projet d’aménagement du tronçon de la Véloroute V50 de Corre à Port-sur-Saône porté par le département de Haute-Saône. Elle visait à proposer un tracé compatible avec les enjeux de préservation de biodiversité et à respecter le cahier des charges européen de ces infrastructures.

Le parti d’aménagement proposé par la collectivité départementale avait fait et fait toujours l’objet de vives critiques sur ses conséquences environnementales de la part des administrations et établissements publics (DREAL, Syndicat Mixte Saône Doubs…). Le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) a émis un avis négatif le 11 mai dernier.

Les ONG sont favorables au développement des pistes cyclables dans leur ensemble à la réserve près qu’elles apportent une plus-value aux territoires traversés, qu’elles préservent l’environnement et qu’elles soient des éléments structurant du développement de ce mode de transport pour les déplacements quotidiens locaux au détriment de la voiture individuelle.

Plus d’an après, les ONG environnementales, constatent que ces objectifs fondamentaux ne sont toujours pas réunis et restent toujours aussi critiques. Les ONG sont favorables au projet de Véloroute V50 entre Corre à Port-sur-Saône mais défavorables au parti pris d’aménagement et tracé défendus par le Conseil départemental.

Le projet en l’état, tant sur la forme que sur le fond, ne respecte pas plusieurs points du cahier des charges national des véloroutes adopté en mai 2001.

La déposition et les nouvelles propositions (voir annexe 1 - ) des associations de protection l’environnement à l’enquête publique sont portées par la volonté de préserver un patrimoine exceptionnel de vie sauvage tout en améliorant l'intérêt du tracé et les impacts économiques positifs pour les populations. Les propositions de tracés des ONG sont toutes tirées du dossier d’autorisation environnementale unique et du dossier multicritères et choix des variantes.

1/ Pour les cyclistes, le tracé et les aménagements n’apporteront pas la sécurité requise

Page 3 du cahier des charges, il est indiqué que « les cyclistes doivent bénéficier d’un très haut niveau de sécurité, en particulier vis-à-vis des véhicules à moteur mais également dans certaines conditions particulières d’aménagement de l’itinéraire (zones de remblais, bords de voies d’eau, etc...) ». Or, au vu des documents, il n’en n’est rien. Malgré un discours affiché du département, les aménagements de sécurité sont soient réalisés à minima, soit tout simplement repoussés à plus tard. Pour ne prendre qu’un exemple : pour le tronçon Montureux-lès Baulay – Fouchécourt, l’étude multicritères précise page 309 que le passage de le Saône nécessitera. « La création des encorbellements sur 4 ouvrages d’art sur la RD 56 et un sur la RD 249. Un linéaire de 124 mètres d’encorbellement est pourtant nécessaire » Pourtant page 353 de cette même étude, ledépartement précise pour « l’instant, le tracé retenu est celui de la variante 21 sans aucuns travaux de mise en sécurité sur la traversée de la Saône (RD 54) »

Ce choix d’une sécurité a minima n’est pas un cas isolé, de nombreux endroits sur la véloroute V50, notamment dans le département de la Haute-Saône ne sont toujours pas sécurisés. Ils restent des endroits non aménagés, très dangereux pour les cyclistes. C’est le cas des traversées de Gray (jusqu’à…), de Ray-sur-Saône, de Scey-sur-Saône-et-Saint-Albin, et ce sur des dizaines de kilomètres. Contrairement à ce qu’affirme le département dans les éléments de contexte, le tronçon Corre – Port-sur-Saône du tracé n’est aucunement le maillon manquant de la Véloroute V5O (page 2 du résumé non technique) : « une partie de ce tracé est déjà aménagée (sur 300 km au nord à partir de la frontière luxembourgeoise jusqu’à Corre et plus de 200 km au sud à partir de Port-sur-Saône jusqu’à Macon. Il reste un tronçon non aménagé, très dangereux pour les usagers de la Véloroute entre Corre et Port-sur-Saône ; c’est pour pallier ce manque que le département de la Haute-Saône souhaite réaliser l’aménagement de cette section sur près de 40 km ». En réalité, en nerespectant pas les règles basiques de sécurité du cahier des charges européen, c’est une très grande partie du tracé déjà existant situé en Haute-Saône qui est le maillon manquant de la véloroute V50 l’empêchant d’être ce pourquoi il est fait, un des éléments structurants en matière d’aménagement du territoire.

2/ Pour les territoires, le parti pris d’aménagement et le tracé, en évitant les cœurs de villages, n’apporteront aucune retombée économique et affaibliront encore plus cette partie du territoire régional fragile qui a au contraire besoin de toutes les attentions

Page 5 du cahier des charges des véloroutes, il est indiqué que « Les véloroutes et voies vertes, itinéraires cyclables reliant les agglomérations et les traversant, doivent permettre de répondre à plusieurs demandes de déplacements à vélo dans les villes et à leur approche : constituer des voies d’entrée et de sortie des agglomérations pour les habitants et pour les touristes qui souhaitent les visiter à vélo ; elles peuvent représenter une opportunité pour créer un axe structurant au cœur d’un réseau cyclable urbain ; assurer un cheminement à l’intérieur des agglomérations, doté de points de stationnement aménagés pour assurer la protection des vélos et des bagages contre le vol ; s’intégrer au tissu socioéconomique local et desservir autant que possible les équipements ouverts au public (commerces, gares, écoles…), les points d’intérêt touristique et les zones de loisirs, et constituer un outil de requalification ou de valorisation de la ville ; proposer, en agglomération, des contournements pour certains utilisateurs sportifs » Or le tracé actuel ne profitera pas au territoire traversé. La véloroute est conçue comme une « autoroute à vélo » où la vitesse prime sur toutes les autres considérations. Le tracé délaisse la plupart des communes présentes sur le parcours ou quand le tracé chemine dans le village, c’est à la marge qu’il l’effleure. Jussey le principal centre-bourg du Nord du département est aussi évité. Comme si cette petite ville et cette partie du territoire régional, touchées de plein fouet par la désertification rurale, ne méritaient pas toute l’attention des pouvoirs publics pour bénéficier des investissements publics ! Vu les efforts entrepris par Jussey pour redynamiser le centre-bourg, avec le concours de la Région, l’Etat et l’Europe, il est inadmissible que le tracé et les retombées du tourisme cycliste ne profite pas à cette commune et aux nombreux commerces (cafés, restaurants, hébergements) et pouvoir ainsi sur le long terme attirer de nouveaux habitants. Il en est de même pour Corre.

3/.Pour l’environnement, le parti pris d’aménagement et le tracé va détruire de façon irréversible des zones d’intérêts majeurs pour la faune et la flore, pour la qualité de l’eau, sans pour autant réduire les émissions de GES.

Page 9 du cahier des charges des véloroutes, il est indiqué que « La réalisation du schéma national des véloroutes et voies vertes doit avoir un caractère exemplaire et intégrer la prise en compte de l’environnement dans ses phases successives : détermination du tracé des itinéraires régionaux ou interrégionaux, réalisation des grands tronçons ; aménagement ou construction d’un ouvrage particulier important. Phase schéma : Evaluation environnementale stratégique. Le schéma national des véloroutes et voies vertes devra être établi en respectant les principes de transparence, de protection de l’environnement et de précaution. La concertation devra être largement développée et des analyses, notamment portant sur les milieux naturels et les paysages, devront être réalisées »

Tant sur le plan de la biodiversité que sur la lutte contre les GES il n’en n’est rien. Le Val de Saône et la zone d’intérêt écologique majeur « NATURA 2000 VALLEE DE LA SAONE » seront irrémédiablement altérés et perturbés. Or la présence de nombreuses espèces protégées de faune et de flore du val de Saône constitue la raison des aides européennes à l’agriculture locale pour conserver les prairies naturelles si importantes pour le stockage du CO2 et la qualité de l’eau de la rivière.

Ce ne sont pas les quelques concessions accordées dans la dernière version du projet (modification des tracés sur les portions Cendrecourt - Montureux-lès-Baulay ; Baulay - Port-d’Atelier village, renforcement des mesures compensatoires…) qui éviteront la dégradation d’un des principaux réservoirs biologiques du bassin Rhône Méditerranée Corse. En effet le tracé détruira de façon irréversible des zones humides en sursis et des habitats dont certains d’intérêt communautaire qui doivent au contraire être favorisés. Zones humides et milieux qui sont le support d’une flore et d’une faune riche en voie de disparition.

Le tracé proposé par de CD70 le long des berges de la Saône imposera une contrainte à la rivière, pourtant aisément évitable, la privant de sa fonction essentielle, la possibilité d’évoluer librement dans le temps dans toute la largeur de son lit majeur pour se régénérer et échapper au surcreusement de son lit. Ce tracé affaiblirait dans la durée de façon irrémédiable la morphogènese et la biodiversité de la Saône. L’installation d’une véloroute sur une rivière encore mobile et inondable, couplé à des pratiques d’entretien agressif et curatif génèrent progressivement la stérilisation quasi généralisée des berges, de sa ripisylve, de ses phragmitaies entraînant une perte importante de biodiversité, comme nous avons pu le voir sur les parties amont et aval déjà aménagés du tronçon.

Le projet bâti il y a plus d’une quinzaine d’années sur le seul créneau touristique n’intègre pas les récentes pratiques de mobilités, tel l’essor du vélo électrique ou encore l’engouement du vélo pour les déplacements du quotidien et domicile-travail y compris en zones rurales. Il ne pourra pas donc répondre aux enjeux de réduction des émissions de GES au plan local puisque le tracé évite les passages dans les villages et les connexions entre les centres Bourgs (ex entre Corre et Jussey).

Pour ces premiers motifs, le parti-pris d’aménagement et le tracé portés par le département ne peuvent être en l’état défendus. Les notions d’intérêt public majeur ne peuvent être également revendiquées tant le projet est contraire aux stratégies ou schémas portés au plan européen, national et régional sur l’aménagement du territoire, sur la préservation de la biodiversité, sur la lutte contre les gaz à effet de serre.

Les ONG déplorent cette situation d’autant plus qu’elles sont favorables à ces infrastructures. Les ONG indiquent qu’un minimum de concertation aurait pu permettre de développer un projet partagé et soutenu. « Un tracé socialement utile pour le Nord de la Haute-Saône et écologiquement soutenable pour la vallée de la Saône ».

Or le département a préféré le passage en force sans concertation avec le tissu associatif. Pourtant le cahier des charges des véloroutes précise bien page 12, il est indiqué que les APN doivent être consultées«les travauxdoivent faire l’objet d’une enquête publique, en application des articles L 123-1 à L 123-16 du code de l’environnement et conformément aux dispositions du décret du 23 avril 1985 relatif à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement. Dans tous les cas, doit être mise en place une concertation avec le public, dont l’avis sera pris en compte lors de la décision du tracé et dans le dessin des ouvrages. Seront consultées, à cette fin, en particulier les organisations représentatives en matière de protection de l’environnement et les associations d’usagers représentatives ». Or à ce jour ni les structures associatives représentatives - ni les ONG environnementales, ni les associations de pêche et de chasse et ni les associations d’usagers du vélo n’ont été consultées. Pourtant ce point était l’un des points d’améliorations évoqué par le CNPN « Le pétitionnaire est encouragé à réunir, pour une meilleure concertation, des experts parmi les acteurs publics (OFB, EPTB Saône-Doubs) et privés (CBN, Associations naturalistes concernées) qui détiennent la connaissance de terrain, afin de trouver des tracés alternatifs plus satisfaisants ». Depuis mai 2020, le Département aurait pu réunir l’ensemble des partis pour les entendre et améliorer le projet, mais il n’en a rien fait. On peut aussi le dire de la concertation avec les communes traversées puisque le tracé proposé n’est pas connecté par le projet de voie verte Faverney-Melisey, une interconnexion pourtant indispensable au maillage d’un réseau local et régional cycliste.

L’absence de concertation, l’absence de pluridisciplinarité dans le Comité de Pilotage montrent par les décisions du CD70 qu’ « on ne peut pas être juge et partie » pour réaliser des choix difficiles mais essentiels pour défendre le patrimoine environnemental de la vallée de la Saône et desservir ce territoire.

Les ONG demandent donc à la Préfète de Haute-Saône de surseoir au projet d’aménagement actuel, d’organiser une réunion de travail entre toutes les parties, y compris les élus locaux pour trouver une sortie à l’enlisement du projet qui devrait être déjà réalisé.

Les ONG solliciteront l’appui de l’Etat et la Région pour mobiliser des crédits conséquents – Plans de relance... afin de finaliser la mise en sécurité de la véloroute dans le département de Haute-Saône. Et faire de cette véloroute, une colonne vertébrale soutenable qui préserve l’environnement, qui permette à tous les usagers (locaux et touristes) de pratiquer une nouvelle mobilité et réduire ainsi les émissions de GES tout en amenant de retombées économiques aux territoires traversés.

Hervé Bellimaz, FNE Bourgogne - Franche-Comté

Annette Lapalus, FNE Haute-Saône

Marc Goux, SOS Loue et Rivières Comtoises

Christophe Morin, CPEPESC Franche-Comté

Pièces jointes :

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