Nouvelles de l’Atlantique (1) Le Havre – Pointe à Pitre sur le CMA CGM Fort Saint Louis

Depuis notre départ du Havre le 3 octobre, nous avons fait escale à Saint Nazaire (Montoir de Bretagne) pendant 2 jours, car un portique (grue de 50 m de haut sur rails pour lever et déplacer  les containers) était en panne. De plus les dockers ne travaillent pas le dimanche ... mais la nuit oui.

La fin du chargement s'est faite à partir de dimanche minuit,  jusqu'à lundi 5 h. Nous avons donc passé le dimanche sur le cargo, le long des quais de Montoir de Bretagne, déserts sur plusieurs kilomètres, seulement peuplés de containers empilés sur 3 ou 4 hauteurs, avec des engins portuaires, grues et camions au repos... Et donc on est repartis lundi matin à 6 h 30.

Le cargo Fort Saint Louis est un porte containers de 157 m de long, 30 de large,  et 50 de haut. il transporte 2260 containers soit 20 000 tonnes (il y a des bateaux beaucoup plus gros, jusqu'à 18000 "boites"...).

Le Fort Saint Louis est un "bananier" qui fait le trajet des Antilles, vers la Guadeloupe et la Martinique, c'est la fameuse  "route du rhum". Depuis la métropole il transporte toutes sortes de denrées, alimentaires, électro ménager, et même meubles IKEA... Nous sommes attendus avec impatience, car certains commerçants en Guadeloupe n'ont plus de stocks en magasin...

Au retour il sera chargé de bananes vertes en containers réfrigérés à 12,8° ou reefers. La banane est parait-il le fruit le plus consommé au monde, mais pas par moi, personnellement je n'aime pas... Le bosco (maitre d'équipage) devra faire la "ronde des odeurs" pour repérer les boîtes dans lesquels les bananes mûriraient trop vite, il s'écrierait : "On va perdre la banane !..."

Le cargo porte containers, construit en 2003 (à Taiwan) appartient à la CMA CGM, 3ème armement  mondial, propriété de capitaux internationaux; parmi sa flotte de plusieurs centaines de navires, seuls une vingtaine de bateaux naviguent sous pavillon français. C'est le dernier avatar de ce qui était autrefois la Compagnie Générale Transatlantique (l'autre CGT), qui a regroupé aussi  les Chargeurs Réunis. De plus, parmi les livres de la bibliothèque du bord, certains datant des années 50 sont marqués MM : Messageries Maritimes, autre compagnie qui faisait la liaison avec l'Extrême Orient...

La machine  brûle du fuel lourd, très lourd et plein de souffre , très pâteux , il doit être réchauffé à 120° sinon il se solidifie comme du goudron, on en consomme 90 tonnes par jour... De nouvelles "normes environnementales" doivent arriver en janvier pour les armateurs et constructeurs, au lieu d'envoyer les résidus de combustion en fumée, il faudra les diluer à l'eau de mer... Un chaland nous en a livré 1500 tonnes de fuel  à St Nazaire, on peut essayer de calculer combien de pleins de voiture ça ferait...

Il faut produire aussi énormément d'électricité pour le fonctionnement du bateau et aussi pour les containers réfrigérés alimentés chacun par un fil. Le bateau avance entre 18 et 20 noeuds (environ 38 km/h) pour rattraper le retard pris à  St Nazaire. Mais du coup, cela consomme plus ! Et ça fait beaucoup de bruit, vibrations, pulsations de la machine qui tourne à 85 tours/minute. Il n'y a que sur l'avant, à 150 m de l'hélice, que c'est silencieux.

Chaque jour on progresse d'environ 400 km, par la route sud, un peu plus longue.

L'équipage compte 32 hommes en tout ; les marins et officiers subalternes sont Philippins il y a aussi 3 Indiens et 1 Sénégalais Maitre d'Hôtel. Tout l'équipage est embauché selon les conventions française et semble bien logé et nourri (par exemple tout le monde a droit à des bouteilles d'eau minérale et ne boit pas l'eau désalée sortant des bouilleurs).

Le Commandant est sympa, c'est son dernier voyage avant la retraite, à 55 ans. Nous sommes 4 passagers, dont la tante du Capitaine retraitée , et un Suisse Allemand de Berne (Il parle peu français, de langue maternelle "Bârn Dutsch"), âgé de 26 ans, informaticien, qui part pour 6 mois en Amérique Latine avec l'idée d'apprendre l'espagnol et se trouver un nouveau choix de vie et de métier...

La navigation a été un peu agitée au départ de Saint Nazaire, il paraît que ça chahute toujours dans le golfe de Biscaye, vagues de 4 à 6 m et pas mal de roulis et tangage. Une dépression à 1000 Ho Pascals, ce n'est pas la tempête, mais "rough sea". Nous avons traversé hier 8 octobre l'Archipel des Açores par le sud. On a vu au loin les iles dans la brume. Nous continuons tout droit vers le sud sud ouest cap au 236.

Il y a un changement d'heure chaque jour maintenant pour cause de passage de fuseaux horaires, en retardant l'heure, donc on s'est trouvés réveillés ce matin à 5 h au lieu de 7... La mer est très calme maintenant, il fait soleil et on a rempli la piscine à l'eau de mer. Ca commence à ressembler à une croisière de villégiature, mais au lieu de 4000 passagers, on est 4 !...

Le temps va être de plus en plus chaud à l'approche des Antilles, mais il y a encore 5 jours de navigation. Nous avons visité la machine (haute comme un immeuble de 3 ou 4 étages. Il y a une aussi une "instruction de sécurité" pour nous expliquer les gilets de sauvetage et la combinaison de survie. Le canot de sauvetage peut contenir 40 personnes...

Hier vu des dauphins sur le côté tribord (starboard), et sur sur l'étrave suivant et dépassant le bateau.
Aujourd'hui, des poissons volants et des débris flottant, bidons plastiques, bouées, bâche...

Sur le bateau, toutes les indications sur les tableaux, instruments ... sont en anglais, et les échanges oraux  entre l'équipage aussi.

Passé beaucoup de temps sur la passerelle (le pont supérieur d'où se fait le pilotage, à environ 40 m au dessus de la mer), la nuit tout est éteint, on ne voit que les écrans radars et les instruments. Le radar va jusqu'à 90 Milles Nautiques, on voit arriver les bateaux de loin, pêcheurs, pétroliers cargos, ensuite on les repère à la jumelle de marine, jusqu'à 10 ou 15 km.

Le matin un matelot est chargé de lancer un ballon sonde pour la météo, il part très vite et ensuite on le suit sur ordinateur, jusqu'à 26000 m, avec les données transmises, altitude, vitesse du vent, humidité de l'air, pression (la pression atmosphérique passe de  1000 ho pasc au niveau de la
mer à 50 en haute altitude) puis explose et retombe.

Les repas sont assez variés, au mess des officiers. On a une salle de sport, avec des vélos et une table de ping pong (à essayer par mer agitée ...). Les cabines passagers sont très bien, nous on a celle de l'armateur (owner) un peu plus grande. On a aussi des bouquins, plein de BD, DVD, mais les jours passent vite.

Arrivée prévue à Pointe à Pitre le 13 octobre à 5 h du matin. Comme communication, pas d'internet ni tel mobiles, on peut téléphoner avec une carte, et envoyer et recevoir des mails par Skyfile. Il nous arrive des dépêches simplifiées de l'actualite pour la France, et il y a aussi les Philippines et l'Inde. Il y a même une boutique avec différents articles , cigarettes, chocolat, etc., et du rhum pas cher. C'est le Commandant qui fait l'épicier ! et il fait aussi les transmissions, le webmaster, et le G.O. parfois.

A suivre ...

 

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