Nos petits secrets

Ma compagne et moi avons nos petits secrets.

Quand le plus beau journal du monde, publie dans ses colonnes en ligne un communiqué de ses supérieurs hiérarchiques, je ne lui en parle pas. Pas plus que je n'en veux à Factuel parce que c'est l'agora, et qu'heureusement tout peut être dit.

Je pousse parfois ce vice attentionné à tourner le bouton de la radio quand je sais qu'un individu peu recommandable est interviewé, genre nouveau philosophe en chemise blanche, ou prêtresse de la libre entreprise. De son coté, je suis sûr qu'elle fait de même, en ne laissant pas traîner sur la table nuit la dernière étude parue sur la poésie française baroque. Même si quelques verres de Chassignet n'ont jamais fait de mal à personne.

Mais l'autre soir, le secret que je portais était trop lourd, aussi lourd qu'un cadavre roulé dans un tapis persan. Quand elle est revenue du lycée, après son cinquième conseil de classe, je l'ai embrassée, avant de lui proposer une tisane ou un thé sans thé ou un café décaféiné.

Elle m'a regardé bizarrement :

- t'as pas pris tes pullules aujourd'hui ?

- Non, non

- Tu as quelque chose à me dire ?

J'ai avoué. Oui j'avais quelque chose à lui annoncer. Après avoir pris une grande inspiration, j'ai dit d'une seul trait, pas trop fort, pas trop doucement

- Macron va célébrer l'anniversaire de la commune...

Un immense drapeau rouge et noir est passé en crépitant devant ses yeux. Elle a cherché dans son sac à main sa réserve de pétrole. Elle a regardé par la fenêtre si notre stock de pavés était toujours là.

Elle a murmuré : "Enc... de bat...  de Versaillais"

Puis elle m'a fixé :

- tu prends ton service à quelle heure à la garde nationale ?

Je n'aurais jamais du lui dire que la grande affiche qu'elle a punaisé dans son bureau sous les toit était parfaite. Autant qu'elle.

Laisser un commentaire