Non à une République qui marche « au pas » !

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Dans le cadre du second tour de la campagne qui m’oppose, dans la première circonscription du Doubs, à une candidate du parti du Président – une « candidate officielle », comme on lit sur ses documents –, je veux rappeler qu’un parlementaire n’est responsable que devant ses électeurs. Les candidats « en marche », qui s’apprêtent à entrer en nombre à l’Assemblée nationale, se sont liés à la personne du Président de la République, auquel ils doivent leur succès, par une charte dans laquelle ils s’engagent à voter comme un seul homme, comme une seule femme, les réformes proposées par le Gouvernement.

Ils se sont engagés, dès leur entrée en fonction, à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour affaiblir la protection des salariés. Autrement dit, ils sont prêts à se dessaisir du pouvoir qu’ils tiennent du peuple, à renoncer à examiner chaque mesure et à juger librement des conséquences de telle ou telle disposition, à donner un blanc-seing à l’exécutif sur ce sujet, alors même qu’on ne connaît pas le contenu précis de la réforme. Toutes les organisations syndicales se sont inquiétées de cette procédure.

Dans quelle démocratie pense-t-on que les représentants du peuple devraient jurer fidélité au chef de l’État plutôt qu’au peuple lui-même ? Ce n’est pas ma conception de la République, pas ma conception du rôle de député. Ce n'est pas non plus celle de la Constitution dont l'article 27 énonce que « tout mandat impératif est nul » et que « le droit de vote des membres du Parlement est personnel ». Emmanuel Macron veut peut-être faire marcher le Parlement au pas, mais si les électeurs me font confiance, ils savent que ce ne sera pas mon cas.

Beaucoup d’entre vous partagez déjà mes convictions et connaissez mes engagements en matière d’environnement, en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, en faveur de la justice sociale et de la protection des travailleur.euse.s.

Mais je m’adresse aussi à celles et ceux qui, sur un ou plusieurs sujets importants, ne partagent pas nécessairement mes combats. Je veux leur dire que, si je suis de nouveau leur députée, ils peuvent me faire confiance pour déterminer mes votes en conscience, en fonction de ce qui me semble conforme à l’intérêt général, et en consultant mes concitoyen.ne.s. Je n’ai jamais été et je ne serai jamais une élue qui va prendre ses consignes de vote dans les couloirs de l’Élysée ou auprès des cabinets ministériels. Je ne cède pas aux injonctions des états-majors des partis ni aux pressions des lobbies. Je n’ai et je n’aurai de compte à rendre qu’aux citoyen.ne.s.

Parmi les missions des députés, il y a aussi le contrôle de l’activité du Gouvernement. J’ai exercé cette mission de contrôle, que je juge essentielle, en étant rapporteure d’une commission d’enquête et d’une mission d’information. À chaque fois, l’indépendance des travaux que j’ai conduits a été soulignée. Si le Président « contrôle » les députés, qui peut croire que les députés contrôleront efficacement le gouvernement ? Ma certitude est qu’une majorité présidentielle trop écrasante à l’Assemblée nationale affaiblirait considérablement la capacité du Parlement à exercer réellement cette mission ; et ce serait un danger pour la santé de notre vie démocratique. Je m’engage, pour ma part, à instituer un conseil citoyen composé de personnes tirées au sort et qui pourra contrôler le respect de mes engagements, mais aussi alimenter ma réflexion sur les textes législatifs.

J’ai des convictions, vous les connaissez. J’ai aussi une certaine idée de la démocratie et des pratiques politiques respectueuses des citoyens. Je considère que les pratiques du nouveau pouvoir sont en bien des points contraires à ce que dictent les principes républicains auxquels je sais que nous sommes nombreux à être attachés. Il en est ainsi avec la charte de subordination des députés au Gouvernement, avec les multiples pressions exercées par l’exécutif sur les médias, avec la confusion des genres entre fonds publics et fonds privés, entre service de la Nation et service d’un parti, tel qu’on l’aperçoit dans les affaires qui touchent plusieurs membres du Gouvernement, dont le ministre de la Justice. On le voit aussi dans la mobilisation des moyens de l’Etat pour promouvoir les « candidats officiels » : la visite annoncée du Premier ministre à Besançon ce vendredi dans la première circonscription pour soutenir la candidate « La République en marche », sans avoir la courtoisie républicaine d’en informer la députée actuelle que je suis, en est un exemple édifiant.

En République, c’est le Parlement qui contrôle le Gouvernement, et non pas le Président qui contrôle le Parlement. En République, c’est aux citoyens qu’il appartient de décider si les représentants sont dignes de la confiance qu’ils ont placée en eux. En République, un député élu par des citoyens libres doit être une voix libre – et non pas la voix du Président. En somme, une République qui « marche », ce n’est pas une République qui marche « au pas ».

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