Murs et murgers, patrimoine des montagnes…

Reconstruction d'un mur en pierres sèches

Samedi 12 septembre c’est la Foire Bio au Bélieu près de Morteau. A côté de la salle des fêtes, des stands et des étals de produits du terroir. Puis, un champ où les enfants sont invités  à faire une balade à dos d’âne. Et non loin de là, près d’une ferme comtoise traditionnelle typique du haut Doubs, un stand tenu par une association de réhabilitation de ces murets en pierres sèches qu’on aperçoit parfois dans nos campagnes. Une documentation assez riche et un peu à l’écart un chantier sur lequel s’affairent plusieurs membres de l’association, aux prises avec des parpaings plus ou moins gros qu’il s’agit d’assembler pour reconstruire un mur affaissé. L’association « Murs et murgers » a bien voulu se présenter.

LA TRAME GRISE

Pour ceux qui se préoccupent du respect et de l'équilibre des milieux, les expressions, La Trame verte ou La Trame bleue évoquent respectivement la végétation et l’eau. Ainsi La Trame grise désigne les éléments lithiques du paysage et met en évidence la fonction essentielle que remplissent les ouvrages de pierre dans l'équilibre de l'écosystème. En effet, les murs de pourtour et de limite constitués par l'épierrage d'un champ ou d'un jardin, font le lien, constituent un réseau, appartiennent à une trame et sont, de la même façon que les haies, des lieux de vie (de nidation, de reproduction) des prédateurs et des corridors, lieux de passage de gibier. Leur destruction provoque donc des ruptures dans les chaînes alimentaires et perturbe les échanges et connections nécessaires au système dans sa globalité, provoque par ailleurs la disparition de la flore spécifique.

L'association « Murs et Murgers, patrimoine des Montagnes du Doubs et d'ailleurs » s'inscrit clairement dans un projet d'action pour sauvegarder un maillage écologique en péril en s'appuyant sur une mobilisation citoyenne.

Son objectif est la restauration, la valorisation et la protection du patrimoine historique, paysager et écologique que constituent les ouvrages de pierre sèche et les formations naturelles des montagnes du Doubs (et d'ailleurs!). Ses adhérent(e)s refusent de se résigner à leur destruction massive, ainsi qu'à la disparition de la biodiversité spécifique de ces espaces vivants. Ils partagent des convictions concernant l'environnement naturel et échafaudent un projet de mise en commun de leurs bonnes volontés pour œuvrer ensemble à la préservation de ce patrimoine face à l’homogénéisation galopante des milieux.

L'association propose des Chantiers-Ecoles: Des journées de travail collectif d'initiation autour de la rénovation d'un ouvrage de pierre sèche qu'il s'agit de reconstruire dans le respect de l'architecture originelle. L'occasion pour les uns de partager leur expérience, de transmettre leur savoir-faire, et pour les autres de découvrir et d'apprendre les rudiments de cette technique traditionnelle. L'association investit des dossiers plus administratifs et œuvre à l'obtention d’une réglementation, dans un cadre législatif, pour protéger ce patrimoine (comme cela existe déjà pour les haies).Elle souhaiterait aussi pouvoir contribuer aux travaux des commissions dans le cadre du projet de Parc Naturel Régional du Pays Horloger (Grande région Maiche-Morteau).

Pour tout contact et tout renseignement

Confucius (VI ème siècle av JC), notre adhérent d'honneur : “Qui veut déplacer une montagne commence par déplacer de petites pierres »

mursetmurgers@gmail.com

Tél: 06 83 33 15 40

Commentaires

  • François-Louis a'Weng

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    Paysages Massif du Jura

    Tant l’affluence que la réactivité déployée par l’assistance lors de la réunion du 10 novembre dernier à Orchamps-Vennes m’ont réchauffé le cœur.

    Dire que, dans les années 1970, jeune adolescent attristé, je voyais, pour cause de remembrement, disparaître les murgets, arracher les haies vives ou défoncer les affleurements rocheux qui, avec gentianes & genevriers, faisaient tout le caractère de notre paysage si typique, mais aussi démolir d’un coup de bulldozer, par des élus trop pressés d’apparaître comme modernes, les lavoirs & autres édifices de village édifiés par les communautés villageoises d’autrefois, alors au prix d’immenses sacrifices fiscaux.

    De même, j’assistais impuissant aux incendies plus ou moins volontaires d’anciennes fermes comtoises à thué, avec leurs bardages traditionnels grisés, harmonieusement accordés au gris des pierres & des troncs lichénés. Assurés en valeur de reconstructions, ces édifices, certes inadaptés à l’agriculture moderne, inconfortables pour leurs occupants j’en conviens, mal orientés & bas de plafond, étaient aussitôt remplacés par d’abominables & gigantesques hangars en tôle, polychromes, cubiques, tous flanqués du petit pavillon stéréotypé, juché sur sa taupinière artificielle.

    Dans le même temps, disparaissaient tous les pré-bois, lesquels, au contraire, furent soigneusement préservés, comme les murgets, par nos voisins suisses du canton de Neuchâtel, mais aussi la variété florale de prés trop précocement fauchés & les multiples espèces de papillons qui allaient avec. Je me souviens des lys martagon que me montrait ma grand-mère & de nombreux  papillons, aujourd’hui rayés de la carte, dont j’ai même oublié le nom.

    A ce moment-là, d’inexpérimentés forestiers se livraient, tantôt à un conservatisme mortifère, voulant à tout prix conserver des futaies régulières de vieux bois sur sol noir & glacé, accumulant ainsi les risques sur pied & paralysant la croissance, tandis que d’autres, à l’opposé mais guère mieux inspirés, pratiquaient de brutales coupes à blanc étoc, détruisant le biotope à l’occasion, provoquant les ruissellements & multipliant les coûts d’intervention nécessaires à la reconstitution du peuplement.

     

    Nous pleurons tous ces destructions irréversibles, résultats tant de l’inculture des uns, de l’âpreté au gain des autres, mais surtout de l’absence de vue à long terme de presque tous.

     

    Vous allez me dire « alors, tout était mieux avant ? ». Non, car la plantation d’épicéas d’excellente qualité a remplacé des foyards nerveux justes bons pour se chauffer ; désormais, les abatteuses mécanisées, en roulant strictement sur les cloisonnements, évitent un tassement du sol intégral & permettent une exploitation des petits bois, autrefois abandonnée car trop coûteuse, laquelle favorise maintenant la croissance des quelques magnifiques sujets restants, sélectionnés pour rester au-delà de la soixantième année ; la pollution de l’air, avec les émissions tant décriées de CO2, augmente considérablement la croissance ligneuse tandis que, dans le même temps, l’usage industriel du lamellé-collé conduit à l’utilisation les petits diamètres sans être obligé, comme autrefois, d’attendre 130 ans pour tailler une poutre de grosse section ; enfin, le concept de futaie jardinée mis au point par Gurnau au XIXe siècle dans le canton de Neuchâtel commence à se généraliser. Il s’agit juste de prélever régulièrement, mais prudemment, tous les 5 à 7 ans, quelques sujets dominants, au sein d’un peuplement où l’on a laissé varier les diamètres & varier les essences, ce qui évite tous les à-coups, conserve le biotope & limite considérablement les frais d’intervention, tout en régularisant le revenu.

     

    Si certains plus éclairés pensent aujourd’hui reconstituer leur thué, sauver les rares bâtiments épargnés par l’ignorance de toute une génération, reconstituer quelques pans d’anciens murgets, c’est très bien, mais la démarche reste muséale, comme Nancray, & ne suffira pas à sauver nos paysages. En effet, pendant que nous pleurons sur le lait répandu, deux fléaux risquent d’avoir définitivement raison de notre environnement montagnon.

    D’abord, la multiplication de lotissements aux constructions bon marché, stéréotypés en même temps qu’hétéroclites dans leurs styles, lesquels, en même temps, ressemblent à beaucoup d’autres qui se multiplient maintenant dans la France entière. De Lille à Perpignan, ce sont les mêmes gammes qui déferlent sur notre territoire, uniformisant le paysage, sauf dans certaines régions très protégées où les élus ont eu le courage d’imposer un matériau traditionnel, une pente de toi unique, une orientation générale, une gamme de couleurs en harmonie avec la végétation locale, ou encore un type de construction traditionnelle.

     

    Ensuite, une fréquentation de véhicules & de camions en forte hausse, due notamment au travail frontalier, sur des voies parfaitement inadaptées, ce qui, outre l’évident désagrément paysagé, augmente tant les risques d’accident pour les riverains, que les coûts d’entretien de ces petites routes d’altitude, subissant glace & nébulosité, lesquels restent une lourde charge pour certaines petites communes. A cet égard, il est vraiment temps de réfléchir globalement à un nouveau tracé, particulièrement dans le Haut-Doubs frontalier, de manière, tant à réduire les nuisances diverses pour les habitants que de faciliter l’accès au travail pour les frontaliers.

    J’ai le devoir ici de citer un exemple navrant, lequel se trouve sur la commune des Combes. Au lieu d’installer ce centre de tri de matériaux au bord d’une quatre-voies, au Bas-de-la-Chaux par exemple, nos élus ont décidé de l’implanter dans le village même des Combes, ce qui défigure non seulement le paysage, mais nécessite le passage de 50 camions de plus de 19 tonnes par jour au bon milieu du village du Luisans, après le passage d’un col enneigé culminant à 950 mètres, une pente à 8,5 %, seize tournants dangereux, tout ça pour parcourir 6 kms avant d’arriver à la quatre-voies. Bien sûr, l’esthétique paysagère est contestable, le bilan énergétique désastreux, mais l’opération est, en outre, parfaitement inéquitable puisqu’une commune (Les Combes) s’enrichit de nouvelles ressources fiscales, tandis qu’une autre (Fournets-Luisans) doit entretenir & déneiger une route inadaptée & subir tous les désagréments dus à l’incessant passage des véhicules.

     

    Enfin, il me faut mettre en garde les auditeurs contre les idées trop simples. J’ai entendu, l’autre jour, dire « nos paysages », comme s’il s’agissait de notre propriété collective, sur laquelle nous aurions tous un droit de gestion ou de regard. Croyez-moi, rien ne vaut la responsabilité de ceux qui gèrent leurs propres deniers. Pensez à la situation économique si compromise du Cirque de Consolation, à sa forêt ruinée, à sa turbine inactive depuis une ou deux décennie, aux bâtiments inhabités, au locataire mis en liquidation, car, il y un demi-siècle, on avait voulu faire tout diriger par un petit « comité théodule » local, où une collection de charmants irresponsables se réunissaient une fois l’an, avant un bon déjeuner, pour décider sans jamais compter.

     

    En revanche, je continue de penser qu’au regard de l’affluence d’aujourd’hui, devant la menace qui pèse sur notre paysage du Haut-Doubs, il est grand temps de fonder une association pour défendre & protéger de la destruction ou de l’enlaidissement ce qu’il reste encore d’un peu poétique dans notre terroir déjà si malmené.

                                                                                                 

                                                                                                  François-Louis a’Weng

                                                                                                  francoislouis.aweng@nordnet.fr


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