Manuellement

Je suis tombé ce matin sur une chanson diffusée sur Radio Bip. D’habitude quand je travaille, si je mets la radio, je n'y fait presque pas attention, comme les mille bruits d'une salle de bistrot. Ma secrétaire ne s'en plaint pas, même si elle regrette parfois le ton un peu monotone de certaines émissions et les virgules trop douces.

Donc, j'étais en train de faire un devis lorsque j'ai entendu un refrain étrange: « Les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement »*

La phrase a glissé doucement dans mes pavillons. Elle a surnagé au milieu de mes pensées, des chiffres alignés, des codes, des lignes et des colonnes.

« Les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement »*

Comment avais-je pu passer à coté de ce titre ?

J'ai regardé sur le net qui était ce chanteur qui osait chanter un alexandrin de ce calibre : trois syllabes, trois syllabes, 2 syllabes, 4 syllabes (j'espère que ma compagne ne m'en voudra de mes approximations en versification ).

Et je me la suis repassée en douce et en boucle dans mon bureau.

Ma secrétaire n'a rien dit. Mais je suis sûr que la phrase « rappelle toi le bruit de nos cuillères » l'a touchée. Elle m'a demandé si je voulais un café. J'ai souri et j'ai remis la radio.

Cette chanson, je l'ai aussi chantonnée dans le bus derrière mon masque et dés que je suis rentré à la maison, je me suis mis en quête d'une bière. Comme il n'y en avait pas, je suis allé à l'épicerie du coin pour m'en chercher un pack. Fait étrange, il n'y a que les bières les moins chères qui s'ouvrent manuellement.

Puis je me suis installé sur la terrasse. L’après midi superbe laissait peu à peu la place à la fraîcheur du soir, mais j'avais ma bière. Un bière qui s'ouvre manuellement.

Lorsque m'a compagne est rentrée, elle m'a embrassé, et avisant le pack que j'avais éventré sur la table, elle a saisi une bouteille, a fait sauter la capsule d'un geste élégant. Et nous avons trinqué.

*Le refrain en entier : « tu m'as dis que je devais même ouvrir (me rouvrir ?) une bière/ tu me l'avais pas dit depuis si longtemps / que je savais même plus comment il fallait faire / les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement » Christophe Miossec, A prendre, 1998

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