Emmanuel Macron veut faire la « Révolution », puisque c'est comme ça qu'il a intitulé son livre de campagne. Transfuge de la banque Rothschild, il a d'abord été conseiller du Président Hollande et le principal inspirateur du tournant libéral de la politique économique en 2014, avant de devenir ministre de l'Économie et des Finances. Ancien de l'ENA, il se présente comme « antisystème ». Au delà d'une mise en scène très médiatique, quels intérêts représente-t-il et quel est son projet politique ? Un chercheur en sciences politiques, Gaël Brustier, dit à son propos qu'il représente le « capitalisme californien », une forme particulière de libéralisme, faite de glorification de l'individualisme, de célébration de la mondialisation et d'économie numérique.
Le capitalisme californien, qu'est-ce que c'est ?
La capitalisme californien est issu de l'hybridation improbable entre le mouvement hippie de la fin des années 60 et le développement de l'ordinateur et d'internet. Au départ, il s'agit plutôt d'un mouvement sympathique, collaboratif et de libre expression, qui fait une large place à la créativité. Mais avec l'émergence des entreprises de type GAFA
Le capitalisme californien a inventé des formes de concurrence sauvage très individualistes puisque, avec cette dérégulation, l'État affaibli ne peut plus plus jouer aussi bien son rôle de protection sociale que de redistribution des revenus. Si on n'y prend pas garde, l'ubérisation pourrait se développer très vite dans de nombreux secteurs comme les transports, l'hôtellerie, la réparation ou la rénovation des logements. Le modèle de l'auto-entreprise va dans la même direction, avec la disparition du statut d'employé protégé. On peut craindre qu'elle se développe aussi dans des secteurs plus inattendus comme l'aide à la personne, la santé, l'éducation et même le droit.
Emmanuel Macron antisystème ?
Et Macron dans tout ça ? À travers la loi qui porte sont nom, il a avancé vers la dérèglementation de certaines professions, incité au travail du dimanche, poussé au remplacement du transport ferroviaire par des bus ou par BlaBlaCar. Il a inspiré la loi travail et l'inversion des normes
D'ailleurs une partie du patronat ne s'y est pas trompée et regarde sa candidature d'un bon œil. Un article de Corinne Lhaïk dans L'Express
Ancien élève de Sciences Po et de l'ENA, ancien banquier, ancien ministre de l'économie et fort du soutien de chantres patentés du libéralisme et d'une partie du patronat, Macron se présente néanmoins comme « antisystème ». Comment une telle imposture est-elle possible ? En fait, son habileté réside dans sa capacité à retourner à son profit la défiance contre les élites, le rejet des partis politiques et le brouillage du clivage droite-gauche découlant du tournant libéral de Hollande.
Un conglomérat d'aspirations contradictoires
D'après Gaël Brustier, la France que représente Macron ne pèse guère que 6 % des électeurs qui sont, en gros, les gagnants de la mondialisation néolibérale. Macron doit donc à tout prix élargir sa base électorale et rassembler suffisamment de partisans aux aspirations forcément variées et contradictoires. Il essaie de contourner ce pari impossible par une forme particulière de populisme, qui est une contestation de façade, en dénonçant les « blocages », le « système », les « appareils ». On pense à la phrase prononcée par Tancredi dans le Guépard : « Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change »
Mais pour jouer ce rôle d'attrape-tout, Macron est obligé de rester dans le flou ou de tenir sans cesse des propos contradictoires. Ainsi, il trouve que l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'est pas un bon projet, mais il le réalisera à cause du référendum ; il déclare en Algérie que le colonialisme est un crime contre l'humanité, mais juste après il dit que la colonisation a apporté les Droits de l'Homme ; il n'abolira pas les 35 heures, mais il fera en sorte qu'il y ait le plus possible d'accords dérogatoires. Il n'est pas exclu, hélas, que cet exercice d'équilibrisme puisse tenir jusqu'au premier tour de scrutin.
Au niveau des ralliements, c'est pareil. On trouve dans l'équipe de campagne des patrons de la net-économie, des jeunes loups aux dents bien affûtées et spécialistes du marketing, et des naïfs sensibles à ses discours pseudo-modernes et pseudo-humanistes. D'autres soutiens en soulignent l'aspect hétéroclite : Alain Madelin, Bernard Kouchner, François Bayrou, Patrick Braouezec, Robert Hue… Et parmi ses supporters en Franche-Comté, on voit arriver aussi des vieux briscards du PS, comme Jean-Louis Fousseret (25), Yves Krattinger (70) ou Christophe Perny (39). Pour faire cohabiter tout ce monde, il faut les talents exceptionnels de véritable bonimenteur de foire du leader d'En Marche ! - bonimenteur bien aidé par les dernières innovations du marketing.
Macron, rempart contre le FN ?
On a bien compris que, malgré le titre de son bouquin, Emmanuel Macron ne va pas « révolutionner » le système. Il ne remet en cause ni les traités européens, ni la monarchie présidentielle, ni le mythe de la croissance, ni les dérégulations voulues par la finance et les multinationales. Autrement dit, dans la continuité de Hollande, il nous propose à peu près les mêmes recettes que celles qui ont échoué depuis plus de 30 ans. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, avec une telle politique, avec lui on peut s'attendre au maintien des inégalités exorbitantes, à de nouvelles atteintes aux droits des salariés, des précaires et des chômeurs, et à de nouveaux dégâts sur l'environnement mettant en cause gravement l'avenir de la planète. Ainsi Macron relance la question des gaz de schiste avec le prétexte de l'exploration.
On entend maintenant un autre argument : Macron serait le seul capable de barrer la route à Marine Le Pen. C'est l'argument avancé, par exemple, par Bertrand Delanoë. Il est vrai que, si En Marche ! défend un projet économique peu différent de la droite, il n'est pas aussi conservateur sur les questions sociétales : chez son candidat, pas de propos homophobes, xénophobes ou racistes. Mais il y a problème puisque Macron propose de poursuivre la politique économique qui a favorisé la progression du FN. C'est la mondialisation sauvage qui crée toute cette insécurité au niveau de l'emploi, des conditions de vie et de travail et même de l'identité culturelle ; c'est aussi la mondialisation qui détruit les économies de certains pays africains et qui pousse des millions de personnes à l'immigration économique. Par rapport au Front National, en proposant de poursuivre sensiblement la même politique libérale, Macron joue donc les pompiers-pyromanes.
L'inquiétude quant aux sondages favorables à Marine Le Pen est normale. Son projet de repli nationaliste antieuropéen et antiréfugiés est dangereux pour le niveau de vie, pour la paix civile et pour les libertés démocratiques. Mais tant qu'on ne règlera pas sur le fond la quadruple crise, économique, sociale, écologique et démocratique, l'extrême droite risque de continuer de prospérer. Et Macron ne propose qu'un nouveau coup de Ripolin sur un système usé et incapable de répondre aux aspirations des classes populaires, qui sont les perdantes de la mondialisation.
Roland Vasic
Merci pour la clarté de cet
Merci pour la clarté de cet éclairage !
FLEUR13
Bonsoir, Et comme tout élu :
Bonsoir, Et comme tout élu : séduction, élection et ;;;trahison. Sinon quoi de neuf Emmanuel HOLLANDE est né.