Ma petite entreprise connaît la crise… Je veux travailler !

Factuel a reçu ce texte de Claire Michaud, enseignante au collège Victor-Hugo de Besançon. Elle explique avoir utilisé un réseau social pour suppléer le réseau de l'Education nationale qui ne lui permettait pas d'être en relation pédagogique avec ses élèves pendant le confinement... Sa hiérarchie lui demande d'arrêter, elle refuse...

Vendredi 13 mars : 

Tous les élèves de France quittent les établissements scolaires. Je relève vite fait les numéros de téléphone des gamins qui souhaitent établir un contact rapidement avec moi.

Lundi 16 mars:

Le ministre annonce que l’éducation nationale est prête pour l’enseignement numérique, il décrète la continuité pédagogique. Je créé  des groupes whattsapp pour chaque classe. Je propose à mon chef d’établissement de créer un groupe supplémentaire ouverts à tous les Troisièmes pour préparer le brevet , il me répond « ce que vous proposez est parfait et contribuera à rassurer les élèves « 

Mardi 17 mars : 

Le président de la République annonce l’état de guerre (traduire : 2 semaines de confinement).

Mercredi 18 mars:

Le site des classes virtuelles bug devant 12 millions de connexions.

Vendredi 20 mars: 

L’application Pronote de mon établissement scolaire, le collège Victor Hugo de Besançon, me reste inaccessible. Je poursuis mon enseignement via whattsapp. J’en informe les parents d’élèves. Je propose d’envoyer les cours par mail aux familles qui veulent préserver leurs  jeunes enfants des dangers des réseaux sociaux.

Le ministre de l’éducation nationale annule les examens de fin d’année. Mon groupe « révisions pour le brevet » whattsapp devient groupe de débats sur l’actualité. 

Vendredi 27 mars : 

Mon chef d’établissement me demande de quitter whattsapp et suggère avec insistance que j’arrête de travailler. Je refuse.

Mardi 31 mars: 

Je prends l’initiative de lancer une pétition en ligne pour tenter de faire rester en France un de mes élèves de 4e, orphelin de mère, intégré à Besançon depuis 5 ans , ayant besoin de soins médicaux  qu’il ne pourra pas recevoir dans son pays d’origine. Communauté scolaire et associations se mobilisent pour soutenir cet enfant.

Mercredi 1er avril : 

Mon chef d’établissement me redemande d’arrêter le travail, parce que j’enseigne sur whattsapp, je refuse.

Lundi 6 avril : 

Mon chef d’établissement me demande d’arrêter le travail, sous prétexte que je suis trop occupée par l’éducation de mes propres enfants. je refuse.

Jeudi 9 avril : 

Je propose jeux et commentaires de l’actualité à mes élèves, ainsi que des débats en relation avec le programme. Mon chef me demande d’arrêter le travail sous prétexte que je ne respecte pas les programmes scolaires . Sinon...je serai signalée au Rectorat et peut-être sanctionnée.

Vendredi 10 avril : 

Je signe la demande d’autorisation d’absence que mon chef me réclame depuis un mois, en précisant toutefois que ce n’est pas ma volonté. Je préviens mes élèves que ma hiérarchie m’impose un arrêt de travail. Grand nombre d’entre eux me demandent de continuer à les enseigner. Mon chef d’établissement me conseille de prendre du repos et du recul. 

Samedi 11 avril: 

Des parents d’élèves  me soutiennent et lancent une pétition de soutien sur Changes (968 signatures au 15 avril).

Je publie un long texte sur mon compte facebook privé (claire Michaud) et sur le groupe privé FB que je gère (Victor Hugo Bien Vivant) pour raconter mon année scolaire. Je reçois de nombreux messages de soutien. 

Dimanche 12 avril :

Mon chef d’établissement  m’assure de son total soutien et prévient les familles de mes élèves que je ne suis plus en capacité de travailler. Il précise que je ne suis pas habilitée à conduire des débats. Il explique que mon remplaçant poursuivra les programmes scolaires. Il présente ses excuses aux parents que j’aurais blessé par mon comportement, au nom de l’établissement tout entier.

Lundi 13 avril : 

J’écris à tous les parents d’élèves que j’accepte la décision de mon chef d’établissement ; je joins une copie de ma publication privée Facebook. 

Mardi 14 avril : 

Je vais bien. Je suis en capacité de travailler. Les élèves et les parents souhaitent globalement que je continue à faire cours. Je n’en ai pas le droit.

Une TZR est nommée sur mon remplacement. Je lui transmet ce que je peux pour qu’elle puisse me remplacer au mieux. Je l’informe des conditions dans lesquelles j’ai été écartée des élèves. Elle est bien gênée de recevoir, 3 jours avant les vacances de printemps,  un remplacement dans ces conditions. Mon chef d’établissement m’invite à communiquer avec ma remplaçante dans l’intérêt des élèves. C’est trop tard puisque je l’ai déjà fait.

Un article dans la Presse du Doubs est consacré à mon « affaire ».

Mercredi 15 avril : 

J’apprends par mes élèves de 3e que ma remplaçante, personnage public, candidate officielle à la mairie de Besancon, a demandé au rectorat, au regard du contexte très particulier de ce remplacement, d’être relevée de cette charge. Le rectorat accepte et en informe mon chef d’établissement. Ce dernier informe les parents d’élèves. 

Je veux travailler.

En résumé, vous l’aurez compris, je veux continuer à enseigner. Pouvez-vous m’aider?

Je vous prie de recevoir mes salutations respectueuses et confinées. Prenez soin de vous.

Claire Michaud

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