L’Ukraine entre décrépitude des régimes successifs et la prédation des oligarques

A la double initiative du Centre de recherches juridiques de l’Université de Franche Comté et de la Maison de l’Europe en Franche Comté, s’est tenu le 1er Avril à Besançon un intéressant débat sur l’Ukraine, la crise qu’elle traverse, ses perspectives européennes.

Plusieurs universitaires (de niveau inégal) ont introduit le débat en présence d’Arnaud Danjean, député européen PPE, élu en Bourgogne, et par ailleurs ancien membre de la DGSE. (les services secrets pour faire court).

L’Ukraine berceau de la Russie

L’Ukraine est la région dans laquelle serait née la Russie elle-même avec l’apparition d’une principauté de Kiev au IXième siècle. N’ayant pas de frontières naturelles clairement définies, l’Ukraine a toujours connu des mélanges de populations et sa superficie a varié en fonction des affrontements militaires et des conquêtes territoriales des Tsars puis des soviétiques. Des constantes marquent cependant son histoire : politique d’assimilation et de russification dès Catherine II puis collectivisation et industrialisation forcées sous Staline. L’Ukraine dispose d’une langue (slave orientale) qui lui est propre et qui coexiste avec le russe, la population étant bilingue à 50%.

En 1917 le Mouvement National Ukrainien fut dans l’incapacité d’imposer l’indépendance voulue par les membres de la Rada (assemblée ukrainienne). Il fallut attendre l’éclatement de l’Union Soviétique pour que l’Ukraine devienne indépendante en Août 1991. Ce fut alors une période d’opposition à la Russie en raison de litiges relatifs au partage de la flotte de la Mer Noire, la souveraineté sur la Crimée, le retrait des forces nucléaires ex-soviétiques stationnées en Ukraine. Se succédèrent différents dirigeants issus de scrutins entachés de nombreuses fraudes et souvent précédés de violences. Chacun se souvient de la « révolution orange » et de Viktor Iouchtchenko, nommé premier ministre en 1999.

Le retour de la Russie sur la scène politique mondiale

La renonciation en Novembre 2013 par le Président Ianoukovitch à la signature d’un accord d’association avec l’Union Européenne a été à l’origine des manifestations violentes qui ont abouti à la fuite du Président et à la mise en place d’un gouvernement violemment hostile à la Russie avec, pour conséquence, la création dans l’Est du pays de comités de défense soutenus par les autorités russes. Chacun sait qu’aujourd’hui coexistent dans le pays d’un côté une haine viscérale anti-russe et de l’autre une détestation de l’occident.

Poutine ambitionne de redonner à son pays un rôle majeur dans le monde. Il ne pouvait en conséquence laisser planer le moindre doute sur sa volonté d’empêcher un « encerclement » militaire de son pays par une adhésion, souhaitée par John Kerry, de l’Ukraine à l’OTAN. Arnaud Danjean a bien montré que la perception de la crise ukrainienne était en fait radicalement différente en Russie et dans l’Union Européenne. L’Union Européenne, divisée et sans politique étrangère commune (qui est en fait celle de ses états) a fait preuve d’inconsistance politique, en subissant, sans les comprendre, les évènements.

La décrépitude des régimes et la prédation des oligarques

Pour Arnaud Danjean, l’Ukraine reste un pays qui n’a pas la maîtrise de son destin et qui est miné par la décrépitude de ses régimes successifs et par une économie soumise à la prédation des oligarques (ceux qui se sont enrichis grâce à leurs liens avec l’appareil d’Etat).

Quant à l’annexion de fait de la Crimée par la Russie, elle est illégale au regard du droit international et illégitime dans la mesure où sa population n’a jamais été opprimée par le gouvernement siégeant à Kiev.

On peut regretter que les intervenants n’aient pas suffisamment évoqué l’extraordinaire instrument politique que constitue pour la Russie l’exportation du gaz. L’Union Européenne ne pourra se passer des importations de gaz russe qu’en 2020 au mieux. Par ailleurs, si une intervenante a cherché à dénoncer de façon caricaturale l’ingérence des USA dans les affaires ukrainiennes en se référant à Mr Brezinski , conseiller du Président Carter (1977-1981), rien n’a par contre été dit sur la Chine qui a implicitement soutenu les positions russes en s’abstenant à l’ONU.

Cette soirée a laissé un goût d’inachevé dû probablement à la subtilité de la politique internationale qui ne constitue pas le quotidien du commun des mortels.

Arnaud Danjean, parlementaire européen de qualité, a eu en conclusion la franchise de reconnaître, en répondant à une question de la salle, que face à des gouvernants ukrainiens incapables et corrompus, l’Union européenne avait fait preuve d’une grande légèreté en invitant à l’association un pays dont elle n’avait nullement compris la situation. Il en sera ainsi tant que l’Union Européenne restera, pour reprendre une expression de Jacques Delors, un OPNI (Objet Politique Non Identifié), et ne sera pas à même de se doter d’un gouvernement conduisant une politique étrangère et de défense. Peut on aujourd’hui envisager un tel sursaut ? Pour Arnaud Danjean la réponse est négative même si Madame Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères, mérite considération.

 

 

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