L’extrême, c’est l’enfer !

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« Ah, quelle pluie ! Je vais jeter le vélo au fossé et me mettre à la danse ». Les randonneurs de l'XPlosive (50 km) ne sont pas encore au pied de la première côte et les râleurs plaisantent. Peu d'entre eux savent qu'il a fallu modifier l'itinéraire de départ dans la nuit à cause d'une coulée de boue, rue de la Froidière.

Après un quart d'heure d'échauffement sur le plat, on commence à monter. Des casse-cou doublent par l'accotement. L'eau coule en larges rigoles, gicle, charrie du sable grossier. Plusieurs s'y font piéger, freiner. Certains mettent pied à terre. On entend des jurons.

Beaucoup laissent le premier ravitaillement. Eviter de s'arrêter en côte. Le col est à vingt mètres, mais la montée repart vite de plus belle. On n'entend que les dérailleurs et les expirations. Ne rien dire pour garder son souffle. Regarder où l'on met sa roue avant. Attention aux cailloux glissants, à la fine couche de boue. Par endroits, ça coince. Certains ont mis pied à terre, ne peuvent plus repartir sur les pédales, poursuivent un temps à pied.

On finit par s'installer dans l'effort. Doucement mais sûrement, on avale la côte. Les plaisanteries reviennent. « Ma femme m'a dit de revenir propre ». « Quand je pense au cousin devant Téléfoot sur son canapé ! » A cinq mètres, un grand gars se retrouve sous son vélo, en contrebas. Ses copains s'inquiètent. « Ça va Florent ? » Florent se relève et remonte en selle, rien de cassé. « Devant moi, il y en a un qui s'est arrêté d'un coup, je suis tombé dans le ravin », explique-t-il.

Au sortir du bois, à la fin de la montée, il y a foule au deuxième ravitaillement. Boire sucré. Merci à l'un des 460 bénévoles qui remplit les gobelets sous la pluie. Peu après, l'itinéraire emprunte un grand pré qui ressemble à une éponge. Ça descend, on fonce, on plonge dans le virage à droite qui pénètre dans la forêt.

Et là, mes aïeux, là, c'est l'enfer. La boue comme à Verdun, heureusement sans ennemi pour vous tirer dessus. Les hommes et les machines s'arrêtent, s'agglutinent, pataugent. Un bénévole à moto-cross rassure : « ça fait 200 mètres ». Tu parles. Tout le monde descend. Pendant 2 km, on progresse avec des semelles de plomb.

Une couche de boue de 10 à 15 cm a recouvert le sentier en dévers. Difficile de garder l'équilibre. Elle s'accumule entre les fourches et les roues, engloutit les freins, s'insinue dans le dérailleur et les maillons de la chaîne, comble le crantage des semelles. « J'aurais dû mettre mes chaussures de foot », dit un gros malin. Tous les cinq mètres, il faut s'arrêter pour enlever la boue, permettre aux roues de tourner.

Ceux qui en ont marre portent leur vélo, cherchent à éviter la boue en passant par le sous-bois au milieu des herbes, des feuilles et des brindilles. L'amalgame change de nature, ressemble au torchis avec lequel les oiseaux font leur nid... On voit des gestes héroïques. Un jeune homme porte deux vélos, le sien et celui de sa nièce qui n'en peut plus. Les chutes sont fréquentes, les glissades permanentes, les compteurs hors d'usage. Des accessoires cassent. La bonne humeur est toujours là. « Ils nous font rigoler, ceux qui parlent de l'enfer de Paris-Roubaix ».

Un panneau « danger » annonce une descente. Toujours la boue, cinq fois plus de glissades, encore des bouchons. En bas, on se jette dans un torrent pour décrotter les vélos. Au sortir du gué, le chemin est enfin praticable. Au carrefour suivant, un baliseur à moto signale que la montée est du même tonneau que ce qu'on vient de vivre. La majorité préfère rejoindre Montgesoye où un autre choix se dessine : rentrer à Ornans par la route, ou monter à Chantrans : « la montée est bonne, mais il faut ensuite être bon descendeur ». Deux minutes après, l'averse redouble. Vous êtes trempé jusqu'au slip. Mais content.

 

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