Lettre ouverte de la Confédération paysanne à la préfete de Haute-Saône à propos de l’usine à lait de Sorans-lès-Breurey

Madame la Préfète, la Confédération paysanne de Haute — Saône, alertée par les associations environnementalistes sur la création d’une usine à lait à Sorans-lès-Breurey, s’inquiète des orientations agricoles soutenues sur le département.

Cette exploitation comptera 370 vaches laitières qui pour certaines (tarissement en hiver) n’iront jamais au pâturage. Est-ce l’image qu’il faut donner aux consommateurs de nos productions locales à l’heure où les politiques agricoles souhaitent le développement de filières courtes et de qualité (voir actuelle compagne d ’affiche du Conseil Régional de Bourgogne/Franche-Comté) ?

Cette exploitation, prônant l’hyper spécialisation de la production laitière, et l’abandon de l’élevage des animaux de renouvellement, concentrera 2,9 millions de litres de lait par seulement 3 associés. Ce volume correspond à au moins 5 fermes à 3 associés et plus en lait standard Haute-Saône. À l’heure où les fermes disparaissent au profit des agrandissements, faut-il accepter la concentration des volumes de production ?

Cette exploitation, avec un peu moins de 200 Ha de foncier et le passage en tout lisier, concentrera les épandages d’effluents trop souvent synonymes de pollutions olfactives récurrentes et d’altération des ressources en eau. Faut-il se contenter de possibles transferts de lisier vers des exploitations voisines (sans réelles certitudes [cf études] pour résoudre ces nuisances ?

Cette exploitation, a seulement 3 associés, devra prendre soin 24 h/24, 365 jours par an d’environ 400 animaux avec au minimum un vêlage par jour et certainement 15 certains jours, assurer la traite, l’affourage… À l’heure où les vocations ne sont pas nombreuses faut-il encourager ce modèle d’exploitation qui pourrait devenir incontournable pour s’installer avec un revenu décent si le choix de l’industrialisation de l’agriculture se confirme [augmentation des volumes pour faire face à une baisse des prix et au remboursement des investissements] ?

Cette exploitation dégagera vraisemblablement un revenu suffisant pour les foyers des exploitants. L’étude n’en dit pas plus. Est-ce suffisant pour déterminer avec certitude la pérennité économique de cette exploitation ?

Cette exploitation débute les travaux avant même que les conclusions administratives soient connues et valident le projet. Faut-il en conclure que les doléances sont inutiles, que les travaux sont déjà légalement autorisés et que le projet est validé depuis l’obtention du permis de construire ?

La Confédération paysanne de Haute-Saône défendra toujours une agriculture paysanne respectueuse de la terre, de l’environnement et des travailleurs. Ce modèle de Sorans-lès-Breurey est inquiétant pour l’avenir de l’agriculture haut saônoise. Il suit celui de la transformation agro-alimentaire en prenant la voie de l’industrialisation, de la concentration et et de la standardisation de dont nous connaissons hélas sur notre département les conséquences : disparition des transformateurs locaux, des abattoirs et des paysans.

Nous vous demandons d’étudier, au regard de nos inquiétudes, ce projet surdimensionné.

Les orientations de la prochaine Politique Agricole Commune [PAC] devront prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux. Nous demandons que le gouvernement français s’engage à défendre, au niveau européen, une véritable refondation de la PAC reposant sur :

  • la protection des paysans et de leur revenu, grâce à des mécanismes de régulation de marchés et de maîtrise des productions.
  • un mécanisme d’attribution des aides vers les actifs, plutôt que les hectares, avec un plafonnement efficient de ces aides.
  • le soutien de toutes les productions, sur tous les territoires, en particulier les oubliés de la PAC [maraîchers, arboriculteurs, PPAM, volailles, etc.].
  • de véritables mesures d’accompagnement à la transition vers l’agriculture paysanne, rémunérant l’évolution des pratiques, accessibles à tous les paysans. »

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