Les salarié.e.s d’MBF font les 100 pas en attendant le 15 juin.

Début novembre 2020 l'entreprise MBF Aluminium, ex. Manzoni-Bouchot, passe en redressement judiciaire. 

- Les photos qui suivent ne sont pas libres de droits - Antoine Mermet / Hans Lucas

Mardi 25 mai le sort des salariés d'MBF Aluminium était entre les mains du tribunal de commerce de Dijon. Il devait se prononcer sur l'unique offre de reprise engagée par Michaël Azoulay. Lui qui disposait seulement de la moitié des fonds la veille de l’audience « a montré qu’il avait le soutien des banques régionales », selon le délégué CGT Nail Yalcin, et que le million d'euros demandé pour la reprise avait été trouvé.

Alors qu’une délégation était présente devant tribunal, quelques salariés de l'usine tenaient le piquet de grève à l'usine à l'arrêt depuis le 31 mars. 

En temps normal, ça grouille dans les allées, il fait chaud, chacune et chacun est concentré.e sur son poste, le four tourne à plein régime et l'aluminium liquide navigue jusqu'aux différentes presses pour être moulé.

Aujourd’hui il est possible d'aller et venir, de prendre des photos des équipements de pointe, à distance bien sûr, brevets et secret industriel oblige.

Les pièces de haute précision moulées ici et qui pour certaines sont usinées sur place sont à destination de constructeurs automobiles. Les connaissances techniques des salariés sont aujourd'hui reconnues au niveau européen et la qualité de la production est irréprochable. 

Au 50eme jour de grève on apprend que des bouteilles de gaz ont été placées près des machines. Coup de com' ou réelle intention de tout faire sauter ? Un salarié affirme qu'un plan est établi pour l'amorce des bouteilles. Malgré cela le coup de com' est à privilégier.

Et ça a marché : 

Le lendemain du délibéré du tribunal c'est jour d'assemblée générale. Cela faire 56 jours que l'entreprise est à l'arrêt et qu'environ 80 salarié.e.s, sur les 280, prennent part à la grève. Une situation que les grévistes regrettent sans pour autant pointer du doigt celles et ceux qui manquent à l'appel. 

Yalcin Nail, délégué CGT commencera l'AG sur ces mots : 

"Ça fait plaisir de voir autant de monde, malheureusement ce n’est pas le cas où on se retrouve 70 salariées devant le tribunal alors que la décision de l'avenir l'entreprise était à l'ordre du jour.  C'est malheureux de dire ça. On est 150 voir 200 là à l'assemblée générale, hier on était 70 à tout casser à l'audience. C'est dommage car on dirait qu'il y a que 80 ou 100 personnes qui se battent pour l'avenir de l'entreprise alors qu'il y en a 250 dans cette boite. Bref, on ne va pas polémiquer là-dessus"

La mise en "leasing" des machines.

A l'époque, les quelques articles qui traitent de la mise en "leasing" des machines font état d'une nouvelle étape dans le développement de l'entreprise. Voix du Jura - Le Parisien

On aborde même l'entrée en bourse de l'entreprise en 2019.

Le patron Gianpiero Colla qui a dirigé l'entreprise droit au redressement judiciaire a vendu différentes machines pour ensuite les louer. Une pratique encore jamais vu dans le monde industriel mais qui pourrait bien perdurer. 

Une partie de l'outil de production n'est donc plus la propriété de l'entreprise. Le fond ISIA (Idinvest SME Industrial Assets), qui bénéfice de nombreux financements européens possède un partie de l'équipement. 4,2 millions d'euros ont été déboursés pour l'achat et la mise en location de nouvelles machines.

Il y plus de deux ans, le carnet de commande d'MBF aluminium sur le papier était rempli. Renault et PSA (Stellantis) s'engageaient à commander plus de 300 000 pièces par an.  L'outil de production est alors développé par un bureau d'étude en relation direct avec les employés pour répondre aux différentes nouvelles offres.

Tout ça ne sera qu'illusion. Au vu de la situation l'entreprise et au regard de marchés surement plus rentables, les industriels automobiles réduiront leurs commandes de pièces à 100 000. Soit 1/3 de la commande initiale.

L'entreprise ne peut amortir ce changement brutal de direction. Une seule presse haute précision permettant de fabriquer de plus grosses pièces sur les deux attendues sera livrée et sur 12 machines à usiner seulement 4 feront leur apparition dans l'entreprise.

Deux ans après les différentes annonces de développement de l’entreprise c’est la grève et 280 familles sont directement impactées.

Dans un bassin d'activité qui attire peu, MBF aluminium à Saint-Claude reste le plus gros employeur. 

Les employés mobilisés sont informés le 20 Avril 2021 par la presse locale que de nombreux euros manquent dans les caisses de l'entreprise. 

Malgré de nombreuses alertes ( L'Humanite du 7 mai 2018), et un passif plus que bancale du dirigeant Gianpiero Colla (qui aurait été vivement soutenu lors de sa prise de fonction dans l'entreprise par PSA), les salariés ne sont pas inquiétés des transferts d'argent louches réalisés vers une holding en Angleterre. 

Cyril, un salarié assez remonté depuis le début l'AG, lui qui est tous les jours présent depuis le depuis le début de la grève, entame face à ces collègues un échange.  Yalcin Nail, délégué CGT lui répond au micro.

Cyril : "Qui a les clefs aujourd'hui de MBF ?"

Yalcin Nail : " Les constructeurs automobiles ! Non, aujourd'hui le patron c'est Frédérique Abitbol et Johana Rousselet." - les administrateurs -

Cyril : "Ils sont où ? Moi ça fait deux moi que je suis là, je ne les ai jamais vu, jamais ! Ils sont payés pour quoi ? Tous les jours on est derrière le portail, on brûle des palettes. Ça fait deux mois que l'on est là, c'est très très très très long. On en a tous marre d'être là. Y'a rien... "

Yalcin Nail : "Cyril on ne peut pas dire qu’il n’y a rien. On s'en fou de administrateurs !"

Cyril : "C'est qui le patron ici ?"

Yalcin Nail : "Le patron ici c'est vous !"

Cyril : "Si c'est moi le patron, je fais ce que je veux."

Yalcin Nail : "Bah tu fais ce que tu veux, regarde. Là tu luttes pour ton entreprise, tu luttes pour ton emploi. Il y encore 20 jours à tenir jusqu'au 15 juin. Ce n’est pas terminé parce qu’au 15 juin ça ne veut pas dire qu'il y aura une solution. Ce qui fait qu'on est encore là aujourd’hui c'est notre détermination à sauver cette entreprise, à garder nos emplois. C'est dur, c'est dur mais aujourd’hui on peut dire que la liquidation est évitée. La pression, il ne faut pas la baisser."


L'offre de Mr Azoulay n'a pas retenu l'attention du tribunal mais la liquidation n'a pas été prononcée. 

La Région sous l'égide de Mr Macron devrait entrer au capital.

Dans l'attente d'un nouveau passage devant le tribunal de commerce le 15 juin, les dossiers de reprises doivent être déposés avant le 9 juin. 

Plus récemment : 

> Lors de la visite de Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, à l'usine le 31 mai, la Voix du Jura nous informe qu'une réflexion est en cours autour d'un montage en SCOP. 

> Le 2 juin la permanence de la député Marie-Christine Dalloz a été murée de pièces d'aluminum. Engagée chez les Républicains et représentant la 2ème circonscription du Jura, Mme Dalloz ne s'est rendue qu'une seule fois le sur le site de la fonderie. Les actualités des grévistes sont à retrouver sur leur page facebook.

`> Jeudi 3 juin, Julien Odoul, candidat du RN faisait le déplacement à Saint-Claude. Les salariés lui ont gentiment fait comprendre que lui et son équipe n'étaient pas les bienvenues et lui ont indiqué de prendre la direction de la déchetterie se trouvant à quelques pas de l'usine. France 3 BFC en parle ici.


Les photos ci-dessus ne sont pas libres de droits.

Photo : Antoine Mermet

Le jour du délibéré du tribunal, le 25 mai

Le lendemain lors de l'assemblée générale

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