Le Jura, le gaz et le pétrole: la fin d’une très longue histoire ?

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Jura, jurassique.

Si notre région a donné son nom à une période géologique, ce n'est pas par hasard.

Pour qui est passé à Poudrey ou à Loulle et connaît un peu l'histoire des dinosaures, il est facile d'imaginer notre région couverte d'une végétation exubérante. Et bien que le carbonifère soit antérieur au jurassique, on peut comprendre que notre région ait pu être une zone propice à la formation d'hydrocarbures solides, liquides et gazeux (formation des hydrocarbures ).

L' "huile de roche" est connue depuis l'antiquité. En effet, il arrive que le pétrole affleure naturellement en surface. Etait-ce là le secret des feux grégeois ? Toujours est-il que cette "huile" a été utilisée pour de multiples usages allant de l'éclairage à la médecine, en passant par le calfatage des navires.

Avant d'aller chercher cet or noir au Moyen Orient, les Européens l'ont exploité sur leurs terres. Les Suisses, à Neuchatel, furent des précurseurs qui vinrent s'installer en Alsace dès...1741, créant par la même occasion, la première société pétrolière par actions (musée du pétrole alsacien).

Neuchâtel, se situe dans le massif du Jura. Sur l'autre rive, à Lons-le-Saunier, du gaz naturel a été exploité de 1948 à 1961. Les anciens s'en souviennent encore. Il n'est donc pas surprenant que le BRGM ait prospecté dans les environs et listé des découvertes à même d'exciter la convoitise des compagnies pétrolières actuelles ! De fait, le sous-sol jurassien recèle des gisements de charbon, de pétrole et de gaz.

Moins faciles d'accès que dans les déserts saoudiens, il aura fallu attendre les divers chocs pétroliers pour que l'on s'intéresse aux hydrocarbures français et donc au sous-sol du Jura.

C'est dans les années 2000, et particulièrement en 2007 sous l'ère Borloo, ministre d'état de l'écologie, de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables, statut qui permettait un numéro d'équilibrisme exceptionnel, que des permis de recherches d'hydrocarbures sont attribués partout en France dans la discrétion la plus totale. Quels sont les élus locaux de l'époque qui ont été informés de la mise à disposition de leur territoire au profit d'intérêts privés venus souvent de l'autre côté de la planète ?

"Riche" de son sous-sol, le Jura a ainsi été partagé entre de nombreuses compagnies, stratégiquement dissimulées derrières des sociétés plus ou moins opaques, elles-mêmes détentrices officielles des permis de Pontarlier, de Lons-le-Saunier, des Moussières et de Gex (cf. carte jointe).

Permettre à une industrie de s'implanter dans une région peut être un projet louable, mais quand cette industrie ne pourra pas faire autrement que de détruire les sols, polluer l'eau, dégrader les paysages et la valeur foncière des terres et des habitations, il est compréhensible que la population ait son mot à dire.

Depuis les débuts de l'Histoire, il se trouve des hommes et des femmes qui n'hésitent pas à se battre pour défendre leur Terre. L'opposition est née dans les terres du sud (le Larzac n'est pas loin !) et la France s'est réveillée un matin en découvrant l'existence des "gaz de schiste". Pour simplifier sans trahir la réalité, on dira que le terme "gaz de schiste" fut le premier nom donné aux hydrocarbures non conventionnels, c'est à dire, difficiles à exploiter. Les mots ayant leur importance dans les guerres de l'image et de la manipulation des opinions, bien des noms seront donnés au méthane et au pétrole, selon la roche dont ils sont issus. Mais si les noms changent, les hydrocarbures sont des hydrocarbures et les techniques d'exploitation ne varient guère et présentent toujours des risques réels pour l'environnement.

Très rapidement, quelques personnes, très peu en réalité, se sont mobilisées pour informer les jurassiens du danger que représente l'exploitation des hydrocarbures, danger tout particulier dans le système karstique qui dessine nos paysages montagnards. Regroupés en "collectifs" sur les territoires de chacun des 4 permis de recherche, ils se sont battus, en lien avec les collectifs de toute la France, pour protéger notre cadre de vie à tous.

2018 : enfin la fin ?

Après la loi contre la fracturation hydraulique, après la loi de transition énergétique, après des batailles d'experts à n'en plus finir, après des manifestations rassemblant des élus de tous bords, des habitants sans histoire et ces fameux "zadistes" qui embêtent bien des gens et en arrangent bien d'autres (2013 manifestation à Nantua), le Jura comme toute la France, n'est plus sous la menace immédiate de forages destructeurs. Toute la France ?

Non ! Car les tenants des énergies fossiles résistent encore et toujours aux défenseurs d'un Monde vivable. (Titres miniers d'hydrocarbures au 15 mars 2018) Souvenez-vous : en Europe, l'histoire est née à Neuchâtel. Aujourd'hui, le destin de la région de Gex reste lié à la compagnie E-Corp, malgré un permis théoriquement échu depuis le 11 juin 2014 (permis de Gex).

Ici comme ailleurs, de "l'or noir" est enfoui sous les pieds des hommes. Des hommes qui ont un besoin toujours croissant d'énergie...

Commentaires

  • J’ai envie d’ajouter … un

    J’ai envie d’ajouter … un peu de géologie.

    Les niveaux du Toarcien inférieur (Jurassique inférieur, -180 Ma) contiennent des hydrocarbures (bitume, huile, gaz, selon les cas). C’est un niveau appelé « les schistes bitumineux » ou « les schistes cartons », ils affleurent à différents endroits dans notre région. La particularité est qu’ici le « pétrole » est dans la roche mère alors que dans les autres types de gisements d’hydrocarbures, les huiles ou gaz ont quitté la roche-mère pour se stocker dans une roche réservoir, roche poreuse d’où on pourra facilement extraire l’or noir par pompage.

    Dans le cas des schistes bitumineux du Toarcien, puisque l’hydrocarbure est « attaché » à sa roche mère, l’industrie a développé une méthode, la fameuse « fracturation hydraulique » afin de « casser » la roche pour parvenir à extraire le gaz ou l’huile. C’est cette technique qui est particulièrement dangereuse pour l’environnement.

    Pour finir, ces niveaux ont déjà été exploités près de Saulx-de-Vesoul. La roche était extraire en carrière, puis chauffée, distillée, dans un four installé à Creveney, par la Société des Schistes et Pétroles de Franche-Comté, dans les années 30 (lire wkipedia : exploitation de schiste à Creveney). Je crois même me souvenir qu’il y a eu une expérience souterraine en essayant de chauffer directement la roche-mère in situ, pour en faire sortir l’huile. Le site est encore visible à la gare de Creveney.


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