Le 13 février, près de 200 personnes sont venues assister au baptême républicain d'Abakar devant la mairie d'Audincourt. Cela n'a pas suffi, ce jeune guinéen de 19 ans actuellement détenu au centre de rétention de Metz vient de voir sa demande d'asile rejeté.

À 14h ils et elles arrivent des différentes rues adjacentes à la mairie d'Audincourt où un portrait d'Abakar et une chaise vide les attendent.
Une scène, une télé, un pupitre, une table de mixage, sont en place sous le porche de la mairie.
À 14h30, le rassemblement a doucement grossi et environ 200 militants, sympathisants, connaissances d'Abakar qui vont assister au baptême républicain du jeune homme, actuellement en rétention à Metz, présidé par le Maire d'Audincourt Mr Martial Bourquin.

Sur un air d'Agnès Bihl, Mais où est donc Ornicar, l'édile d'Audincourt lance la cérémonie.
A la suite de cette complainte et pendant plusieurs minutes de nombreuses personnalités de la vie politique locale mais aussi nationale, que ce soit des élu.e.s, des représentant.e.s d'associations ou de syndicats vont apporter leurs témoignages et leurs soutiens dans des vidéos envoyées en avance et misent bout à bout par l'équipe municipale.
S'en suit un moment très particulier.
Et ce fut surement celui le plus intense de l'après-midi pour beaucoup. Pascal Tozzi, très proche du jeune homme, pose sur le micro son téléphone portable. Sur l'écran s'affiche "Abakar". À 200km d'ici Abakar, s'adresse aux personnes présentes en quelques mots. De nombreux remerciements et beaucoup d'amour. L'émotion se fera ressentir dans sa voix après la reprise en cœur par l'assemblé de ces deux mots "Libérez Abakar". Cet appel ne durera qu’une longue minute.

Place ensuite à la cérémonie du baptême civil.
Mr Bourquin commence par ces mots, "Le but du baptême républicain, qui a été mise en place la Révolution française, était de faire rentrer le citoyen dans la république. Il y a des baptêmes religieux, il y a aussi des baptêmes républicains" "Bruno m'avait demandé de célébrer le baptême républicain d'Abakar bien avant tous ces problèmes, j'avais bien évidemment accepté. Parce qu'il savait qu'il y avait un danger pour Abakar. Et maintenant il se fait avec sa photo, quels regrets..."
Le marraines et parrains prendrons la parole. Voici leurs interventions :
Mélanie Daf, adjointe à la ville en charge de l'éducation et de l'enfance
"Si jeune on ne devrait pas avoir à endurer tout ça, à affronter tout ça"
"Comment ne pas être très touché par ce destin, comment ne pas être très touché par cette trajectoire de vie. Si jeune on ne devrait pas avoir à endurer tout ça, à affronter tout ça. Alors bien sûr on voit tout ça à la télé depuis nos petits canapés bien au chaud, mais non c'est une réalité la réalité de tous ses jeunes qui bravent les mers, qui bravent le froid, qui brave la mort en traversant ses mers et qui surtout sont d'un courage exemplaire. Quand ils arrivent ici chez nous, il faut tout recommencer, alors nous quand on déménage à 100km on croit que c'est le bout du monde, eux ils recommencent tout, ils n’ont personne, pas un regard qui leur apporte un peu d'espoir ou de réconfort. Ils ont cette énergie, cette volonté. On ne peut que saluer, admirer et en fin de compte être à leurs côtés, parce que c'est notre devoir."
Damien Charlet, adjoint à la ville d’Audincourt en charge de la sécurité :
"J'ai accepté et souhaité être parrain à deux titres. Tout d'abord au titre d’élu de la république. Nous pensons que quand on est élu on est avant tout citoyen et on s'engage à défendre, à servir la république et notre devise. La fraternité c'est certainement une valeur essentielle qui nous permet de vivre ensemble, qui ne s'arrête pas à nos frontières et qui nécessite de protéger ceux qui en ont besoin. C'est ce que l'on a voulu faire avec Abakar quand il est arrivé en France et c'est ce que l'on doit continuer à pouvoir faire dans notre république. Et puis c'est aussi au titre d'universitaire que je le fais parce qu'Abakar était un élève, il a eu cette volonté de s'instruire, de poursuivre son éducation, de se former. On a la chance à l'université de pouvoir accueillir des étudiants étrangers que l'on accompagne jusqu'au doctorat systématiquement. Vous savez les étudiants qui peuvent faire ça, ils ont de la chance, ils ont eu certainement l'éducation l'instruction préalable. Abakar n'a pas eu cette chance. Il est arrivé, il a relevé des défis. Il a choisi une profession qui est exigeante, la cuisine. Cette formation nécessite du savoir, des connaissances, de la pratique et du savoir-être. Il réunissait tout ça. Il a cette volonté de poursuivre et on ne peut pas arrêter quelqu'un qui souhaite apprendre, se former, s'instruire, se perfectionner."
"La Fraternité c'est certainement une valeur essentielle qui nous permet de vivre ensemble"
Fabienne Nadot, du centre social de Bethoncourt qui a suivi Abakar durant son apprentissage :
"Nous l'avons vu ouvrir les courriers de la préfecture lui demandant de quitter la France."
"Ça fait longtemps que l'on connait Abakar au CFA, nous l'avons suivi depuis le début. Nous l'avons vu ouvrir les courriers de la préfecture lui demandant de quitter la France. Nous l'avons vu rompre son contrat d'apprentissage parce qu’il n'avait plus le droit de travailler sur notre territoire. Nous l'avons vu rentrer au lycée Mandela pour terminer son CAP cuisinier qu'il a obtenu en juin 2020, nous l'avons suivi dans tout son parcours juridique avec la réponse de tribunal de Nancy refusant son maintien. Je ne pouvais pas ne pas être là aujourd'hui. Ça fait deux ans et demi qu'on le suit et j'espère bien que l'on aura l'occasion de continuer à le suivre et à l'aider autant que possible. Mr le préfet vous en sortirait grandi si jamais vous régularisez la situation d'Abakar et vous ne perdrez pas la face."
Olivier Kirchner, il fut président du Tribunal de Montbéliard. Il est membre de la Cimade :
"J'ai accepté d'être parrain, car son cas me touche personnellement. Je ne le connaissais pas, mais c'est vrai qu'à travers le parcours des gens que l'on rencontre à la Cimade nous avons beaucoup d'Abakar et nous sommes très démunis quand il faut les aider. Et là pour une fois qu'il y a quelqu'un qui s'est inscrit dans tout un processus d'intégration et qui réussit, voir que la seule sanction qu'on lui oppose c'est un ordre de quitter le territoire c'est vraiment désolant. Alors que même s'il ne peut pas de plein droit obtenir un titre de séjour, le préfet a toujours la possibilité pour des raisons humanitaires de lui donner un titre de séjour. C'est ce que nous demandons aujourd’hui pour Abakar."
"la seule sanction qu'on lui oppose c'est un ordre de quitter le territoire c'est vraiment désolant"
Edwige Pétrequin est gérante de l’hôtel-restaurant du Jura, Abakar y a effectué un stage :
"Tu appelles à l'aide, tu sais quel danger te guette, tu as peur"
"Être marraine, c'est être là pour toi qui a mis ton destin sur mon chemin. Tu auras peut-être besoin de moi plus tard, mais c’est aujourd’hui et dans les semaines à venir que tu as le plus besoin de soutien. Tu appelles à l'aide, tu sais quel danger te guette, tu as peur. Bien démunis devant tant de douleur c'est avec ou mon coeur que je m'acharne à stopper cette tempête que te broie. Je ne suis pas seule dans ce combat, mais accompagnée de toutes et tous, rassemblée ici et tous ceux qui ont répondu présents pas leurs soutiens, les pétitions, les vidéos, les envois de lettre aux autorités, le soutien financier. Je voudrais également avoir une pensée pour ta maman qui t'a vu partir dans l'espoir un jour de peut-être te revoir. Ta maman qui a souffert et qui a accédée à ta demande de partir tenter ta chance et de fuir une vie dont tu ne voulais pas. Je salue le courage de cette femme. Et bien sûr que je serai à tes côtés. Bienvenue parmi nous et vise le bonheur."
Bruno Lemerle est à l'initiative du comité de soutien. Il est aussi responsable de la section syndicale CGT retraités de PSA Sochaux :