Kanaks lives matter, Souvenir de Louise Michel

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« Kanaks lives matter » aurait pu être le mot d’ordre de Louise Michel, quand elle fut déportée en Nouvelle-Calédonie. Le mouvement actuel, « Black lives matter », lui aurait pleinement parlé.

Née en 1830 à Vroncourt, un village de Haute-Marne, morte en 1905 à Marseille, à l'âge de 75 ans, sa vie couvre une large partie du 19ème siècle. Elle fut batarde, fille d’une jeune servante et sans doute du fils des chatelains. Ele fut élevée par les chatelains, qu’elle désigne comme étant ses grands-parents, et reçut d’eux une éducation ouverte aux arts, aux livres, aux échanges, elle apprit à aimer Molière, Victor Hugo. Elle s’intéressait aux sciences, elle aimait écrire et très jeune, écrivait de la poésie. À vingt ans, elle obtint son brevet d’institutrice, ce qui lui permit, toute sa vie, d’avoir du travail.

On se souvient d’elle comme d’une grande figure de la Commune de Paris, aux côtés de Courbet, de Jules Vallès, ou du père de Pierre Curie. Elle échappa au massacre et fut condamnée à la déportation à vie, en Nouvelle-Calédonie.

Ils sont des milliers de communards, déportés dans des conditions très éprouvantes.

Elle résiste, parle droit, attentive à ce que ses compagnons et compagnes ne perdent pas courage. Dans le même mouvement, elle rencontre les Kanaks, apprend leur langue, traduit leurs mythes et poèmes en des textes qui rendent pleinement compte de la beauté et de la puissance de ces récits.

Nous sommes en zone tropicale, aux yeux des Européens, les Kanaks sont des sauvages, leur langue est incompréhensible, leur quasi nudité paraît obscène, leurs chants, qui s’inspirent de bruits naturels de leur environnement, sont déroutants. Tout, pour ces Parisiens exilés, semble incongru, absurde, inconvenant. Les Kanaks sont armés de flèches et de massues, leurs bateaux sont des pirogues, ils ignorent la machine à vapeur et l’électricité, bref, ce seraient des arriérés. Quand ce peuple, une fois de plus, tente de résister à la colonisation française, quand, avec leurs flèches, les hommes tentent d’affronter les fusils de l’armée, c’est le massacre.

Louise Michel se révolte, s’efforce de les aider, elle leur assure un soutien total et sans condition.

Elle connait alors une période des plus éprouvantes : ses camarades communards se rangent aux côtés des soldats, ils n’ont pas d’empathie pour ces « sauvages », sans doute n’ont-ils pas sa capacité à les approcher, à les comprendre, au-delà de leurs différences. Elle se retrouve seule, ou quasi. « Kanaks lives matter, leur dit-elle à sa façon, ce sont nos frères et nos sœurs. Ceux qui ont tué nos compagnons en mai 1871, ceux qui tuent en Algérie, tuent les Kanaks aujourd’hui ». Elle n’est pas écoutée, elle dérange. Cela la rend amère, farouche, elle devient une personne qui lasse.

Mais elle a rebondi, comme elle l’a fait tout au long de sa vie. Dès qu’elle en a eu l’autorisation, elle a ouvert une école à Nouméa, accueillant enfants de déportés, de gardiens et de Kanaks. Le dimanche, elle accueillait les Kanaks adultes, avec qui elle faisait de l’algèbre, de l’astronomie et à qui elle enseignait le français, afin qu’ils soient plus forts face aux colonisateurs.

Un siècle et demi s’est écoulé, Kanaks lives matter, la vie des Kanaks compte, ne s’oublie pas. Le mouvement anti-raciste présent : « Black lives matter », nous permet de mieux saisir à quel point Louise Michel fut une femme d’une conscience exceptionnelle.

… Je rêve parfois de voir le visage de Louise Michel sur les trams de Besançon, et que son nom soit donné à un collège...

 

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Quelques livres, à la rencontre de Louise Michel.

Maïté Albistur, Daniel Armogathe : Le Grief des femmes, t.2, éditions Hier et demain.

Gérard Dhôtel : Louise Michel, non à l'exploitation. Actes Sud junior

Geneviève Fraisse : Les femmes et leur histoire, éd. Gallimard, folio.

Henri Gougaud : Le roman de Louise, éd. Albin Michel

Louise Michel : Lettres à Victor Hugo, choisies, introduites et annotées par Xavière Gauthier, éd. Mercure de France

            * Mémoires, éd. La découverte

            * À travers la vie et la mort, œuvre poétique recueillie et présentée par Daniel Armogathe, assisté de Marion V. Piper, éd. La découverte.

            * Chansons de gestes canaques, Internet Wikisource, et BNF et éd. Grain de sable (Nouvelle-Calédonie)

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