Juste le respect de la loi

Longtemps, j’ai pensé que pour améliorer la société, il fallait faire changer les lois. Je n’ai jamais pensé que cela pouvait suffire, à la fois parce qu’un certain nombre d’évolutions ne passent par la loi, ou, a minima ne s’y limitent pas, aussi parce que les lois peuvent nécessiter le recours aux institutions judiciaires et la vigilance citoyenne pour se confirmer dans les faits. Mais jamais je n’ai eu à ce point le sentiment qu’il fallait se battre pour faire respecter la loi dans notre pays, y compris par des institutions qui ont les moyens de ne pas ignorer la législation.

Je connais une femme, dont je sais qu’elle n’est pas seule dans cette situation, qui a dû mener une bataille difficile pour pouvoir ouvrir un compte bancaire alors même que la loi lui en garantit le droit. Elle vit en France depuis deux ans avec ses deux enfants depuis qu’elle a réussi à sortir des griffes d’un mari qui la violentait dans un pays voisin. Cette femme travaille chaque fois qu’il lui est permis de le faire. Elle est dans une situation très précaire également en raison de son statut, qui l’obligeait à redemander tous les six mois une autorisation de rester sur le territoire. Après avoir finalement obtenu une carte de séjour d’un an, elle décide d’ouvrir un compte en banque, droit que la loi garantit pour tous et toutes, indépendamment de la situation juridique des personnes. Cette exigence se fonde sur l’idée que la possession d’un compte bancaire est « le support indispensable à la réalisation d’un certain nombre d’opérations et son absence constitue un facteur de marginalisation supplémentaire pour les personnes les plus en difficultés ». Malgré cela, elle a essuyé des refus à sa demande d’ouverture de compte, de toutes les institutions bancaires, absolument toutes – y compris celles sensées jouer un rôle de service public – quand elles ont daigné lui répondre. Et encore, ces réponses étaient orales alors que la loi oblige à une réponse écrite afin que le demandeur puisse contester la décision auprès de la Banque de France. Elle a fini par obtenir un refus écrit et la Banque de France a obligé une banque à accéder enfin à sa demande.

Cette femme, malgré des conditions de vie difficiles, est pleine d’une énergie dont on se demande où elle la trouve.  Elle dispose également d’un caractère bien trempé et est entourée par des travailleurs sociaux et des militants compétents et engagés, quelques amis et ses enfants. Humainement, elle n’est ni seule, ni démunie. Je n’ose imaginer les difficultés auxquelles sont confrontées nombre d’autres personnes. C’est d’autant plus révoltant que la loi est justement là pour protéger les plus faibles.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans L’Humanité le 25 avril 2016

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