Intervention au Conseil départemental du Doubs à propos de la cession du fort Griffon

Madame la présidente,

Nous voterons Pour ce rapport 302 qui ne présente pas de problème particulier. Ce rapport à propos de la SPL territoire 25 nous rappelle toutefois en Page 2 qu’un partenariat a été noué avec le département dans le cadre notamment du projet immobilier en cours sur le site de gay Lussac à Besançon; qui prépare la désaffection - cession du fort Griffon, comme mentionné Madame la Présidente, dans l’étude que vous nous avez adressée fin avril, pendant le confinement.

Comme je l’ai confirmé lors d’une précédente assemblée, je n’ai pas de position dogmatique sur la question de la cession des monuments historiques ; Pourquoi pas ?

On compte aujourd'hui plus de 14 000 monuments classés et près de 30 000 inscrits. La privatisation de ce patrimoine n’a rien d’exceptionnel et on peut compter sur de très nombreux amateurs éclairés et passionnés qui engagent leur fortune dans des restaurations souvent impossibles pour les collectivités. Des donjons, des châteaux, de belles demeures sont légions et bénéficient de cet apport privé avec le concours des Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC).

Mais tout le patrimoine historique n’a pas pour autant la même valeur symbolique ; entre un château et un système de fortification comme Griffon inscrit au patrimoine mondial, il y a un gouffre.

Je voudrais vous rappeler quelques grands moments de notre histoire locale ;

Lorsqu’en 1958, le directeur des domaines proposait l’acquisition de la Citadelle pour la somme de 500 000 frs à la Ville de Besançon après avoir reçu une offre d’un fromager suisse, le maire MINJOZ et son Adjoint VAUTHIER savait les coûts exorbitants en investissement et en fonctionnement qu’il fallait pour sauver l’ensemble immobilier. Mais c’est à l’unanimité moins deux abstentions que le 20 octobre 1958 on décide de cet achat.

Ça c’est du courage !

Pour l’anecdote, on est en 1958 et le Directeur des Domaines rappelait les efforts des départements de l’Yonne, de Côte d’Or, de l’Aube en faveur des monuments historiques et la sourde oreille du Département du Doubs en dépit de ces sollicitations constantes. Est-ce un signe ?

L'histoire montrera que d’autres élus départementaux ont été plus ouverts. En effet, lorsque votre prédécesseur Auguste JOUBERT décide de s’emparer du devenir de la saline d’Arc et Senans, ce n’était pas à l’époque la préoccupation d’un département comme le nôtre. Une dépense abyssale. Et pourtant, quelle vision !

Cependant son engagement pour ce patrimoine a été récompensé par l’inscription au patrimoine de l'Unesco en 1982.

Ça Madame la présidente, c’est aussi du courage !

Ces personnages-là considéraient qu’il y avait un devoir moral de ne pas laisser partir ce qui a été le berceau de la Cité. Ils considéraient que c’est le devoir des collectivités quand le privé ne peut agir et qui plus est sans s’appuyer sur des stratégies, des montages dont l’opacité n’offre jamais la sécurité ni la pérennité. 

Revenons maintenant à l’étude intitulée « Le devenir du Fort Griffon » qui nous a été envoyée il y a quelques semaines.

Le Fort Griffon construit entre Henri IV et Louis XIV est considéré comme le pendant gémellaire de la Citadelle -le jumeau de la Citadelle, pour le dire autrement-, comme un chef d’œuvre d’intelligence et de pragmatisme par les spécialistes de la fortification.

Acheté par, Roland de Moustier, un de vos prédécesseurs – Président du Conseil général, en 1946, il fait partie d’un ensemble inscrit avec la Citadelle et l’enceinte urbaine au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008.

A la lecture, ce rapport à charge ne semble pas représenter la totalité de l’Etude ALGOE.

Le rapport reçu essaie de justifier la nécessaire cession de ce patrimoine par la collectivité pour des raisons économiques.

Brader un tel ensemble est totalement irresponsable pour une collectivité comme un département, qui va économiser 64 000€ de chauffage -au mieux- pour près de 6 523 m2 de surface de plancher.

Avancer une démarche de développement durable pour la collectivité en repassant le bébé à un autre promoteur n’a rien de vertueux pour le bilan énergétique.

Parler de projet de territoire et d’opportunité de redynamisation du Centre Ancien de Besançon est exagéré. C’est au contraire un éloignement des emplois sur l’ancienne capitale régionale, et je ne voudrais pas être le ou la future prétendante à la gestion de cette Ville.

Après 3 mois de confinement, notre assemblée doit au contraire entamer une réflexion en profondeur et perdre des réflexes d’un autre âge. Je suis conscient que recommencer comme avant est un programme facile, mais totalement irresponsable.

Non Madame la Présidente, on ne peut pas se cacher derrière de belles phrases, ce n’est pas un projet de territoire comme le rappelle la note.  

Le tableau d’investissement de la page 3 n’est pas à la hauteur, il n’est pas réaliste. Vous estimez à 30% le niveau de subvention de la DRAC. Dans des cas similaires, sur de tels monuments on atteint au moins 40 %, voire 50% compte tenu de l’intérêt national.

Le différentiel indiqué de 5 800 000 € n’aurait plus de réalité dans ce cas.

Au regard de l’histoire vous êtes dans la faiblesse des économies de bout de chandelle. L’économie annoncée ici n’est pas à la hauteur de nos obligations. 

Par contre la séparation foncière des remparts a été considérée comme un prérequis pour ne pas affoler un promoteur. Grand Besançon Métropole vous rappelle très justement et heureusement qu’il appartiendra à la Conservation des Monuments Historiques d’évaluer cette possibilité. Bon courage au conservateur en chef des Monuments pour accepter de démembrer un tel patrimoine.

D’autre part la jeune société d’investissement prometteuse NEXT FINANCIAL PARTNERS qui exprime des ambitions reste néanmoins, avec seulement 5 000€ de capital social, loin de tous les risques !

Dans ce type d’opération « désaffection – cession », il faudrait être naïf pour croire qu’il n’y a que des gagnants. 

Il est de la responsabilité de notre collectivité non seulement de conserver la pleine propriété de ce joyau du système défensif que certains ont qualifié d’une des perles du grand collier de la ceinture des fortifications Vauban, mais d’entreprendre les travaux de restauration sur ce site.

Pour conclure, vous l’avez compris Madame la Présidente, même si ce n’est pas l’objet du rapport 302, notre groupe ne collaborera pas à ce démembrement.

Comme nos prédécesseurs, madame la présidente, je vous demande du courage sur le dossier Griffon, et notre assemblée en sortirait grandie.  

En vous remerciant de votre écoute.

Gérard GALLIOT

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