I have a dream…

Le 8 décembre dernier, notre président a annoncé la construction prochaine d’un nouveau porte-avion. « Notre statut de grande puissance passe par la filière nucléaire », a-t-il déclaré.

Les chiffres donnent le tournis : 75 000 tonnes, longueur 300 m, 2000 personnes à bord, sans doute 60 avions embarqués, sans compter hélicoptères, drones et missiles. Le coût ? Aucun chiffre n’est officiellement annoncé, et de toute façon serait-il annoncé qu’il serait sujet à caution, mais les organes de presse spécialisés parlent de 4 à 5 milliards d’€, condition d’un « poids politique et diplomatique massif », selon le commentaire d’un expert en « défense ». Encore un chiffre : en 2021, 28 porte-avions sillonnent les océans, ils devraient être 36 en 2040. Ne manque, pour l’instant, qu’un nom pour ce navire appelé à remplacer le Charles-de-Gaulle. Je me permets une suggestion : l’Emmanuel-Macron ?

D’autres, mieux que moi, commenteront cette démesure, cette obsession du toujours plus, les risques du nucléaire, les coûts faramineux, le principe-même de la dissuasion, l’absence totale de débats sur cette initiative, la conception du monde et de l’humain qui la sous-tend…

Découragé par l’ampleur de la tâche, je vais me contenter de rêver… I too have a dream.

Je rêve d’un bateau, non, soyons généreux, 4 ou 5 bateaux, de taille plus raisonnable, issus des chantiers français, construits neufs, ou peut-être recyclés à partir de paquebots ou navires de croisière. Pour leur propulsion, ils combinent fioul et voiles pilotées par ordinateurs. Ils portent une plate-forme pour hélicoptère et drones. Ils comportent un hôpital, des blocs opératoires. Ils sont équipés de panneaux solaires thermiques et photovoltaïques, si possible d’aérogénérateurs. Les cales abritent toutes sortes de matériels d’urgence. A bord, des marins bien sûr, des médecins et personnels soignants, des techniciens dans différents domaines, des chercheurs, des océanographes, des biologistes, des artistes…

En temps normal, ils font, à vitesse raisonnable, le tour de la planète, apportent le salut du peuple français dans les ports étrangers. A bord ou à terre, ils exposent le savoir-faire français en matière d’énergies renouvelables, notamment éoliennes et solaires, et des partenariats se nouent avec des pays et communautés moins bien équipés, des commandes sont passées. Ces escales sont aussi l’occasion de spectacles, de concerts, d’échanges culturels divers. Des collèges ou facultés reçoivent des caisses de livres, la francophonie entre en pratique. Les médecins embarqués apportent formation et matériels de pointe à leurs collègues locaux moins bien équipés. Là où les structures hospitalières sont insuffisantes, le temps d’une escale d’une semaine ou deux, des cataractes sont soignées, des soins dentaires prodigués, une campagne de vaccinations menée.

Mais voilà qu’un tsunami dévaste des îles indonésiennes, que la sécheresse provoque une famine au Mozambique, qu’un accident industriel prive des centaines de milliers de Salvadoriens d’eau potable, qu’un virus Ebola décime la population guinéenne, qu’un glissement de terrain laisse des dizaines de milliers de Colombiens sans ressources : un bateau fait route vers le lieu concerné, apporte une aide d’urgence, matérielle, médicale, humaine : selon les besoins, des cales sont extraits les pompes, les filtres de désalinisation, les génératrices, des ambulances tout-terrain, un hôpital de campagne…

Je serais fier de payer la part d’impôts qui serait investie dans ces opérations, et on pourrait compter au long terme sur le soutien de fondations et le mécénat d’entreprises. Je suis prêt à parier que ces 4 ou 5 navires, ambassades flottantes d’un pays et de son peuple, ne coûteraient qu’une faible fraction du coût d’un porte-avion… A chacun d’imaginer le « poids politique et diplomatique massif » de cet engagement.

Je sais, je suis d’une naïveté confondante. I have a dream… Please, ne me réveillez pas, pas tout de suite.

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