Grande-Synthe, la dignité retrouvée

Grande-Synthe est une commune de 21 000 habitants, située sur la façade maritime du département du Nord, à proximité du tunnel sous la Manche. Elle a été distinguée en 2010, capitale française de la biodiversité. C’est aussi une commune dont les habitants éprouvent de manière plus prégnante les difficultés économiques et sociales que rencontrent les Français. Le taux de chômage atteint 28 %, contre 10,5 % au plan national et 33 % de ses habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté selon les chiffres de l’Insee, alors que la moyenne nationale est de 13,7 %.

Malgré ces difficultés, à Grande-Synthe vivent également 2 500 migrants, accueillis dans un camp construit et financé par Médecins sans frontières (MSF), à hauteur de 2 millions d’euros sur les 2,7 de son coût total, le reste étant assuré par la ville de Grande-Synthe. Il s’agit du premier centre d’accueil français conforme aux normes internationales fixées par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), qui impliquent que la voirie soit aménagée de façon à éviter les problèmes de boue, que le camp de transit comporte un point d’eau pour 200 à 250 personnes et que les entrées et sorties soient libres. MSF a conçu des abris de 8 à 10 m² pour accueillir quatre ou cinq personnes. Ces conditions, qui demeurent spartiates, permettent d’imaginer ce que sont les camps qui ne bénéficient pas des normes du HCR.

Le 12 avril, le gouvernement a finalement accepté de financer le coût de fonctionnement, mais pas l’investissement de MSF. C’est bien, même si l’on peut penser qu’il était temps, car la dégradation de la situation était telle que MSF, dont les domaines d’intervention relèvent des catastrophes naturelles et des zones de guerre, a jugé que la situation s’y apparentait.

Ce qui est très encourageant, c’est peut-être que le maire, Damien Carême, soutenu — on l’imagine — par son équipe municipale et nombre d’habitants et de militants associatifs, démontre que la politique et l’engagement peuvent changer les choses.

Par sa pugnacité qui a rencontré celle de MSF, il a contraint l’État à prendre ses responsabilités et a ainsi permis que ces personnes soient accueillies dans de meilleures conditions. Cela ne résout pas toutes les difficultés rencontrées par les migrants, mais contribue à respecter leur dignité et la nôtre et à faire revenir en partie dans le giron de l’État des questions qui sont notre affaire à tous et non la responsabilité des seuls habitants de Grande-Synthe et de MSF.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans L'Humanité le 18 avril 2016

Laisser un commentaire