Ginette

Le femme qui fait le ménage de nos bureaux s'appelle Nicole. Pourtant pour moi c'est Ginette. Dans sa blouse bleu clair, avec le logo de l'entreprise de nettoyage sur la poitrine, elle nage un peu Ginette. Et quand elle pousse son chariot dans le couloir, j'ai parfois l'impression qu'elle danse. Ses pieds s'impriment en petits pas réguliers dans la moquette.

Quand je suis tôt le lundi matin, parfois Ginette n'est pas encore arrivée. Je bois mon café, je lui en sert un quand elle arrive. Elle enlève ses gants roses, les pose sur un coin du bureau et mange les petits beurres du bout des lèvres. Elle me regarde en douce.

Elle ne parle pas beaucoup Nicole, au contraire de Ginette qui est un vraie pipelette. Elle me raconte sa vie.

Elle me raconte qu'elle est allée danser samedi soir, et aussi dimanche après midi.

Elle a pas du beaucoup dormir Ginette. Elle s'est fait un trait de noir sous les yeux.

Elle me dit que lui, au moins, il est gentil avec elle. Il ne boit pas beaucoup, il galère avec ses assedics, mais il arrive toujours à lui offrir des fleurs.

Je vois le fil de son sourire comme une vapeur au dessus d'une tasse.

Elle est en colère contre le vigile qui a piqué son fils au supermarché, un litre d'huile sous la veste à gauche, un kilo de sucre à droite.

Le patron de la pente remplit les verres de blanc de Touraine. Ça descend tout seul, dit elle en rougissant, et après on danse. Elle sert son gars dans ses bras, et il n'y a rien plus rien qui compte.

Un fois Nicole a vu un funambule à la télévision, qui marchait au dessus d'un gouffre. Elle me l'a dit cent fois, mais elle aimerait retrouver ce reportage. Avec la mer derrière, dit elle, et les grands oiseaux tout blancs qui se balancent à la hauteur du fil...

Elle ne sait qu'une seule chose du journaliste qui a filmé ces images extraordinaires : son nom, Christian Olivier.

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