Gilets jaunes et sortie de crise

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Jura, an de (dis)grâce 2019.

Les cahiers de doléances de l'ancien régime sont de retour.

 

Avant 1789, seule une petite partie des gens du peuple participait à la rédaction de ces cahiers ; les valets, les domestiques, les plus pauvres et, à quelques exceptions près les femmes, étaient exclus des assemblées que nous appellerions aujourd'hui "débats publics". Et quoi qu'il ait pu être dit lors de ces réunions, la rédaction était faite par les plus lettrés c'est à dire les plus aisés à une époque où l'école n'était pas obligatoire. C'est ainsi que les textes qui nous sont parvenus reflètent les attentes de la petite (ou grande) bourgeoisie.

 

Les demandes de l'époque ont-elles été lues ?

Pour ce qui est de leur prise en compte, et malgré "l'anecdote" d'une révolution, on peut en douter tant les constats actuels ressemblent à ceux du passé.

 

Exemples :

 

- le manque de proximité entre les dirigeants et la population

- le poids des impôts que le gouvernement fait peser sur le peuple.

- la demande d'une imposition des marques de richesse

- la complexité de l'administration

- le besoin d'une modification du mode de scrutin

- la non prise en compte de la pollution qu'entraînent les industries (Ebange 1789)

 

A cette lecture, on se dit qu'au lieu de refaire le travail, autant s'appuyer sur celui de 1789 !

 

D'autant qu'il s'est passé à l'époque ce qui se passe en 2019 : les cahiers, rédigés par une certaine frange de la population, ne sont bien entendu pas tous lus (impossibilité matérielle de le faire).

Lorsqu'ils sont lus, ils doivent être synthétisés une première fois, par une personne (seule ou présidente d'un groupe de relecture) qui fait son propre tri et y apporte sa propre vision des choses. Et ainsi, de synthèse en synthèse, en montant dans les échelons de l'administration et de la société, on arrive à un document unique contenant toujours les mêmes choses, ne correspondant pas à ce que M. Durand avait écrit sur les lignes du cahier de son village.

 

A l'époque on a essayé la Révolution.

Comme toutes les Révolutions violentes, elle a été suivie de sa dictature avant un retour à la normale, un retour aux rois (Tonton, Le roi Fainéant, l'Hyper président, Flamby, Jupiter pour ne citer que les derniers en date de la V° république)

 

On aime bien, en bons français que nous sommes, penser que la France fait exception dans la gestion de la "démocratie". Il n'est donc pas surprenant qu'aucun média n'ait fait le parallèle entre les manifestations des gilets jaunes et les printemps arabes (non, ce n'est sûrement pas un problème de racisme !...) A bien y regarder pourtant, le contenu des revendications de tout ces mouvements de société qui ont touchés nos voisins moyens orientaux, mais aussi l'Espagne et l'Italie, est étonnamment semblable.

 

L'aboutissement des mouvements sociaux l'est aussi : deux possibilités s'offrent donc pour la conclusion de la "crise" des gilets jaunes :

 

1° un retour à la "normale"

2° l'installation d'un pouvoir plus autoritaire que le précédent

 

Comme en 1789, les rédacteurs des cahiers de doléances écrivent une Histoire qui intéressera surtout les historiens des siècles à venir.

Commentaires

  • A vous lire, le mouvement

    A vous lire, le mouvement social des GJ serait soit stérile (retour à la normale), soit il permettrait l’installation d’un régime autoritaire. Il vaudrait mieux alors que n’existe jamais aucun mouvement social ! Quitte à ce que ceux qui se contentent d’en faire des commentaires avec plus ou moins de distance, de condescendance et de mépris souvent, trouvent une autre matière à commenter ?

    • Bonjour Roland,

      Bonjour Roland,

      « Il vaudrait mieux alors qu’il n’existe jamais aucun mouvement social » ? 

      C’est votre conclusion. Ce n’est pas la mienne. Je ne porte aucun jugement sur les actes des gens quels qu’ils soient : j’essaie juste de comprendre et de me placer sur une échelle de temps un peu plus large que le présent instantané qui caractérise notre époque.

      Et si j’essaie de comprendre, c’est parce que j’ai derrière moi de trop nombreuses décennies d’engagement militant qui ont fait émerger une question de fond : Pourquoi ça ne marche pas ? Pourquoi en sommes nous toujours à mener les mêmes combats ? Pourquoi la société et la conscience de l’humanité sont-elles à ce point figées et prévisibles ?

      Ce ne sont certainement ni le mépris ni la condescendance qui teintent mes propos. Mais peut-être la lucidité du clown triste. Ceux qui ne sont pas capable d’auto-dérision ne sauront jamais affronter leur pire ennemi, à savoir : eux-mêmes.


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