Lettre ouverte aux dirigeants du pays
5 ans seulement après le rachat de la branche énergie d’Alstom, GE accélère son calendrier de démantèlement de la
filière de production d’électricité. Après les 485 suppressions d’emplois programmées dans l’entité gaz en octobre 2019, dont la mise en oeuvre n’est pas encore achevée, ce sont 707 nouvelles suppressions d’emplois qui sont annoncées dans les énergies renouvelables, 89 dans l’entité Hydro et 618 dans l’entité Grid Réseaux. D’autres plans moins médiatiques ont supprimé dans la période récente 107 emplois dans les services informatiques, 200 emplois dans l’entité Steam sous forme de départs volontaires, 200 emplois dans les fonctions support. La fin de la production des centrales à charbon entrainera par ailleurs d’autres fermetures de sites et des suppressions d’emploi.
Belfort, Villeurbanne, Massy, La Courneuve, Bourogne, Chonas, Saint-Priest, Aix-les-Bains, Champigneulles, Boulogne, Montpellier, Nantes, Grenoble, sont touchés.
Dans chaque cas, l’activité quitte l’Europe, pour l’Inde, la Chine, les Etats-Unis, dans une recherche d’optimisation de
coûts sans stratégie industrielle de moyen ni de long terme.
Cette absence de stratégie place toutes les activités de GE en difficulté. Retards dans les livraisons, retards dans
l’innovation technologique, sous-qualité chronique, perte de cohérence interne, ne permettent plus de garantir aux
actionnaires les taux de profitabilité attendus, en dépit des subventions publiques massives et de tous les mécanismes d’évitement fiscal mis en oeuvre.
La plupart des compétences et des capacités de production détenues par GE en Europe sont aujourd’hui menacées de disparition, dans des secteurs aussi stratégiques que les turbines gaz et vapeur (nucléaire, centrales thermiques ou cycles combinés), les turbines hydrauliques, les conversions, les réseaux électriques.
Un enjeu global, un grand combat national
La consommation d'énergie fossile a été le moyen que notre société a choisi, depuis trois siècles, pour accélérer son
développement technologique et social. Cette même énergie a atteint aujourd’hui ses limites : les conséquences d’ores et déjà palpables du changement climatique nous imposent de sortir rapidement de l’ère fossile. L’enjeu n’est rien moins que décarboner une économie qui dépend à 70% du pétrole et du gaz ! Face à ce défi considérable, la France a besoin d’une filière énergétique complète : recherche, production et distribution. Car notre sécurité, notre économie, nos emplois, notre contrat social, la viabilité de notre planète dépendent entièrement de notre souveraineté énergétique, des solutions technologiques d’avenir et des coopérations internationales que nous serons capables de mobiliser.
C’est à la hauteur de ces enjeux que le devenir des activités de GE doit être réfléchi. Ce doit être une grande bataille nationale car ce n’est pas seulement la fermeture d’un site qui menace, mais la perte de contrôle d’un secteur vital pour notre pays.
Nous élus, militants syndicaux, militants politiques, salariés de l’industrie du Territoire de Belfort en appelons à la
responsabilité de l’Etat et alertons sur l’urgence à agir.
Moratoire sur tous les plans de suppressions d’emplois
GE représente 1/3 du potentiel industriel pour la production d’énergie en Europe, avec des compétences clé de la
transition énergétique acquises sur le temps long du développement industriel. Car ce n’est pas la cession d’actifs ou
l’accumulation de capital financier qui créent la richesse mais le travail commun de tous les salariés, appuyé par
l’élévation des qualifications. Recrutement, formation, modernisation des outils industriels, innovation, recherche et
développement, il faut des décennies pour construire des savoir-faire industriels. A Belfort comme dans les autres
villes, existent désormais des compétences uniques en France, en Europe et dans le monde, qu'il est essentiel de
préserver.
Un État stratège au service de l’emploi, de l’innovation, des territoires
La logique financière court-termiste s’avère incapable de garantir le développement industriel qu’exige la fourniture
d’une électricité décarbonée et accessible à toutes et tous. La puissance publique organise la formation, soutient la
recherche, stimule l’activité par la commande publique. Elle doit retrouver la maîtrise des outils et savoir-faire
industriels, avec les acteurs de la filière énergétique en utilisant les leviers financiers qui sont à sa disposition tels que la BPI et les budgets des collectivités locales. Une nouvelle logique d’investissement doit être mise en oeuvre, avec de nouveaux droits de regards des salariés, des élus locaux, des citoyens, sur les choix stratégiques.
Des leviers judiciaires
Les établissements GE en France sont protégés par la loi française car ils relèvent du secteur stratégique de
l’approvisionnement en énergie. Pour pouvoir racheter la branche énergie d’Alstom en 2015, la multinationale américaine s’était engagée devant Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, à maintenir les activités et à les
développer, sous peine de sanctions. Aujourd’hui, aucun des engagements n’est tenu. Dès lors, l’Etat doit prendre ses responsabilités et utiliser tous les moyens à sa disposition, y compris judiciaires. A défaut, nous encouragerons les collectivités locales à saisir la justice pour se retourner contre l’Etat qui faillit à faire respecter ses intérêts.
Préparer l’après General Electric
Le gouvernement doit préparer l’après GE, trouver ou construire une solution de reprise des activités de GE en France et en Europe.
Il y a urgence à faire émerger de nouveaux acteurs français et/ou européens de l’énergie qui pérenniseront l’activité de nos sites industriels, les savoir-faire de nos salariés ; de nouveaux acteurs qui prépareront la nécessaire transition énergétique en développant une filière industrielle reposant sur un mix énergétique, avec le soutien de l’Etat et de l’Europe (plan de relance, fond Maugis, dispositifs Territoire industrie, territoire d’hydrogène, …), et aux côtés des collectivités locales, des laboratoires de recherche.
Il y a urgence à agir pour sauver l’industrie française de l’énergie.
Signataires
- Bastien Faudot, conseiller départemental
- Samia Jaber, conseillère départementale
- Christian Rayot, conseiller départemental
- Sylvie Ringenbach, conseillère départementale
- Daniel Bour, adjoint au maire de Delle
- le collectif en commun pour Belfort et ses élu.e.s au conseil municipal Florian Chauche, Mathilde Regnaud-Nassar,
Zoé Rundstadler et René Schmitt
- Jacqueline Guiot, conseillère municipale de Belfort
- Gérald Loridat, conseiller municipal de Bavillers
- Bertrand Chevalier, porte-parole du PCF 90
Et les organisations du Territoire de Belfort :
CGT GE Belfort site, EELV, GRS, GénérationS, LFI, PCF