Fusion des offices HLM à Besançon : un document confidentiel prévoit une augmentation accrue des loyers.

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Objectif affichée à la fusion : une seule société d’économie mixte


Cela fait maintenant des mois que les syndicats de GBH – Grand Besançon Habitat – protestent contre le projet de fusion des deux offices HLM de Besançon. D’un côté donc GBH – office public d’HLM à la situation financière saine, avec un statut social protecteur pour les salarié·es. De l’autre, la Saiemb, une société d’économie mixte, dans une situation financière catastrophique, due à la gestion calamiteuse de la ville.

La fusion de ces deux offices se ferait donc très clairement aux dépens de GBH. Cela serait pour Besançon la perte d’un nouveau service public, celui des offices HLM. Une société d’économie mixte est une société avec capitalisation issue de fonds publics et privés. La logique de rentabilité y est donc exacerbée, les profits pour les actionnaires entrent dans l’équation.

Le document confidentiel que j’ai pu consulter (une expertise indépendante de Syndex pour le CSE de GBH datée d’octobre 2019), montre très clairement les conséquences catastrophiques de cette fusion.

Les conséquences de la fusion GBH et Saiemb

  • Les loyers seront plus importants dans la société fusionnée

En 2027, les loyers dans la nouvelle SEM - société d’économie mixte fusionnée – sont 7 % supérieurs par rapport ce qu’ils auraient étés sans la fusion. Soit une augmentation conséquente pour les locataires HLM. Et cette hausse ne s’explique pas par les programmes supplémentaires prévus.

  • l’équilibre financier de la nouvelle société fusionnée ne sera possible que par un apport de 700 000 euros, et une recapitalisation de 6 millions d’euros. Autrement dit, sans apport massif de capitaux, la nouvelle société fusionnée n’est pas viable économiquement.
  • Les problèmes d’endettement massifs de la Saiemb sont donc réglés par une recapitalisation. Finalement cette fusion permet à la ville de régler en sous-main le problème Saiemb, sans mettre sur la place publique l'ampleur du désastre. Ce qui au passage démontre que le statut public (pour GBH) a permis une gestion plus saine que le statut public/privé de la SEM : il est donc regrettable que tout passe en SEM !
  • si les économies sur les coûts de maintenance et frais de personnel et gestion ne sont pas des objectifs dans le cadre de la fusion, le rapport estime qu’au vu de la situation financière, elles seront très probablement nécessaires dans la future SEM créée.
  • Le projet de pacte d’actionnaire prévoit que l’opérateur privé Adestia pourrait porter sa participation au capital à 20 % et aurait un pouvoir prépondérant dans les décisions prises par le CA.
  • Pour atteindre une rentabilité financière - très mal engagée on l’a vu – les activités de la SEM devront être « diversifiées »
  • Tous les contrats de travail de GBH seront transférés à la Saiemb, les accords d’entreprise de GBH sont voués à disparaître (les négociations risques d’être rudes), la représentation du personnel risque d’être réduite. Les fonctionnaires seraient transférés à Grand Besançon Métropole et délégués à la nouvelle SEM.
  • Enfin le pacte d’actionnaire étant révisable dans 10 ans, il est plus que probable que les investissements privés augmentent pour combler les déficits. La participation au capital des opérateurs privés augmenterait et avec elle, la vente du patrimoine pour satisfaire aux logiques de rentabilité.

Une fusion votée à l’unanimité en conseil communautaire

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les revendications des salarié·es qui demandaient l’étude d’un autre plan n’ont pas été écoutées par les élu·es, puisque la fusion de GBH et de la Saiemb a été votée à l’unanimité lors du conseil communautaire de « Grand Besançon Métropole » le 7 novembre 2019 – le PCF s’abstenant.

A l’origine de cette catastrophe, la loi ELAN

Comme d’habitude, à l’origine de tout cela, on retrouve les politiques libérales à l’oeuvre depuis des années en France. En l’occurrence ici, une loi portée par la variante macroniste du libéralisme : la loi ELAN promulguée fin 2018 – et pensée pour continuer la libéralisation du logement social.

La loi Élan pour « Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique » oblige au regroupement pour janvier 2021 des organismes HLM gérant moins de 12 000 logements ou d’un chiffre d’affaires de moins de 40 millions d’euros. Cette même loi facilite et pousse aussi à la vente des logements HLM à leurs occupants, et ce même si l’immeuble est à rénover.

C’est aussi cette loi qui avait autorisé des dérogations à loi loi Littoral pour pouvoir bétonner des soit-disant « dents creuses », et porté à 20 % le nombre de logements accessibles aux personnes handicapées dans les constructions neuves, à la place de 100 %. Les macronistes se payant d’ailleurs le luxe de présenter ça comme un progrès ! Fanette Charvier et Eric Alauzet ont d’ailleurs adopté ce texte lors de son passage à l’Assemblée nationale en première lecture le 12 juin 2018. Fanette Charvier avait voté le texte final le 3 octobre 2018, tandis qu’Eric Alauzet, pourtant auto-proclamé député à 100 %, était étrangement absent ce jour-là.

Alors que faire ?

Certes, la fusion avec un autre organisme HLM est rendu obligatoire par la loi ELAN. Mais comme le demandaient les salarié·es, d’autres options étaient possibles.

Une fusion avec Habitat25, autre office HLM public aurait permis de préserver un vrai outil public du logement social. Il était possible de prévoir dans cet office public une gouvernance laissant une autonomie à Besançon et sa CU pour les choix stratégiques à venir. Associer les habitant·es, les locataires HLM, les salarié·es à cette prise de décision majeure aurait permis de changer d’orientation. Encore une fois, une petite minorité d’élu·es, persuadé·es d’être les experts, ont pris des décisions en huis clos.

La question de la fusion reste entière pour l'office départemental des HLM Habitat 25, qu’il fusionne avec l'office privé Neolia, ou même avec cette nouvelle SEM créée. L'argument des élu·es, développée lors du vote en conseil communautaire, de vouloir garder une gestion locale (mais sous contrôle du privé) est donc caduque. Il ne serait pertinent que si des objectifs sociaux de logements à loyer modéré étaient affirmés, ce qui n'est guère l'objectif recherché, puisqu'il n'est pas prévu plus de constructions et que on a moins de logements sociaux in fine.

Un office public HLM est un outil nécessaire à une écologie populaire, à une transition écologique passant par la rénovation des bâtiments plutôt que le vieux schéma destruction/recontruction et vente des logements HLM à leurs occupants. Or, en même temps que la logique de rentabilité prend une place prépondérante dans les choix stratégiques d’un office qui sera pourvu d’opérateurs privés, on voit que le plan de renouvellement urbain de Planoise reconduit le vieux schéma destruction/reconstruction. Le vieux monde se meurt, continue sur sa trajectoire. Et les élu·es bisontin·es regardent ailleurs.

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