Lettre ouverte à Madame Bouquin, Présidente du Conseil Départemental, et aux élus départementaux de la majorité (Les Républicains, UDI, Modem)
Vendredi 8 janvier 2021, quatre adolescents se présentent au service départemental chargé d’accueillir les mineurs étrangers en danger : le SEAMNA* (anciennement SDRIP). Ils ont quitté leurs pays, et pour certains ils ont dû traverser le désert, la Lybie, puis la mer Méditerranée, devenue cimetière pour des milliers d’exilé.e.s. Ils sont seuls, sans adultes à leurs côtés pour les protéger et c’est pour cela précisément qu’ils s’adressent aux services de la Protection de l’Enfance. Peut-être aussi parce qu’ils sont exténués, et qu’ils ont tout simplement besoin de se reposer.
Au SEAMNA, il leur est expliqué que pour accéder à ce dont ils ont besoin (des choses simples comme un lit, un repas et la présence bienveillante d’un adulte à leurs côtés…), ils doivent au préalable déposer leurs empreintes digitales à la Préfecture. Un rendez-vous leur est fixé : lundi 11 janvier, soit trois jours plus tard…Avant de les mettre dehors, l’agent du Département leur fournit quelques sachets de riz à cuire au micro- ondes et quelques biscuits. Il leur conseille d’aller dormir à la gare, bien que celle-ci ferme à minuit. En pleine période de couvre-feu sanitaire et alors que Météo France prévoit pour la soirée un brouillard givrant à -3°C, des enfants, sans parents ni ressources, sont ainsi mis à la porte d’une structure de la Protection de l’Enfance avec comme dangereux défi de survivre trois nuits dehors.
Après ce rendez-vous préfectoral du 11 janvier, ils pourront revenir au chaud dans ce bureau et un entretien sera planifié en vue de déterminer si, aux yeux des évaluateurs, ils semblent mineurs ou majeurs. Conditionner la mise à l’abri au dépôt des empreintes digitales est une procédure maltraitante et illégale*. Cette violence sans coups ni cris laisse pourtant des traces chez qui la subit.
Lundi matin 11 janvier, place de la Révolution, à Besançon, l’eau de la fontaine est couverte d’une épaisse couche de glace.
Mesdames et messieurs les élus départementaux, faut-il attendre qu’un enfant soit retrouvé mort de froid pour qu’enfin vous acceptiez de respecter la loi ?
Madame Bouquin, dans votre discours du 14 décembre 2020, vous faisiez la promesse suivante : « Nous serons au rendez-vous de tous ceux qui auront besoin de nous parce que dans cette période de crise, notre action doit prioritairement concerner toutes celles et tous ceux qui sont dans la difficulté ».
En réponse à vos paroles cyniques et creuses, alors que des enfants ont été retrouvés transis de froid et d'abandon ce week-end, nous vous affirmons : « Plus jamais ça ! ».
L’association Solmiré
*1 Service d'Evaluation et d'Accompagnement des Mineurs Non Accompagnés
*2 « L’étranger se déclarant mineur doit faire l’objet d’un accueil provisoire d’urgence dans l’attente de son évaluation. Cette protection provisoire ne peut être subordonnée à la condition qu’il aille d’abord en préfecture dans le cadre de cette nouvelle procédure. » https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/mineurs-etrangers-non-accompagnes-le-conseil-d-etat-valide-le-decret-mais-encadre-la- facon-de-l-appliquer