Fascinant sommet de l’élevage à Cournon d’Auvergne

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Le sommet de l’élevage a succédé en 1992 à un comice agricole comme il en existe dans chaque canton. Il a réuni cette année-là 8000 visiteurs. Le pari fut réussi puisqu’année après année le nombre de participantEs a augmenté de façon régulière. Jusqu’à atteindre 80 000 en 2015. Il s’est déroulé cette année les 5, 6 et 7 octobre. La participation a bondi puisqu’au-delà des 85 000 visiteurs attendus, ce sont 88 000 personnes qui ont déambulé pendant 3 jours dans les allées de la Grande Halle d’Auvergne et des alentours. Intéressé par ce salon de l’agriculture en petit, je m’y suis rendu cette année. Je n’ai pas été déçu. Le site est immense, comportant un « Zénith » avec sa grande scène, de nombreux bâtiments accueillant expositions et salles de conférences. Les abords sont aménagés de façon temporaire pour accueillir de nombreux stands et aires d’exposition ou de concours. Voulue par Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la région Auvergne, la Grande Halle a été construite sur la commune de Cournon d’Auvergne. Elle accueille le sommet depuis 2004, et elle est géré par la communauté d’agglomération de Clermont Ferrand. Des milliers de véhicules sont parqués dans les champs des environs, fauchés de frais. Problème il n’y a pas d’éclairage et quand, en fin de journée, vous cherchez votre voiture à la nuit tombée, vous avez bien des difficultés à la repérer, ce qui vous amènerait presque à croire qu’on vous l’a volée. La participation des éleveurs est fournie, avec une importante représentation internationale. De nombreux pays sont là, aussi divers que la Fédération de Russie ou l’Algérie, Cuba ou l’Iran, la Turquie ou le Sénégal.

Invité principal cette année, Phil Hogan, commissaire européen à l’agriculture et au développement rural. Politiquement conservateur, ancien ministre irlandais de l’environnement, c’est un défenseur convaincu de l’agriculture productiviste. Il a passé 2 heures sur le site, entre 2 avions (bonjour le bilan carbone), le temps de promettre le déblocage de 15 millions d’euros pour promouvoir la viande bovine en Europe (?). En pleine crise des filières lait et viande, on n’en saura pas plus à la lecture des journaux. De nombreux « politiques » étaient annoncés. Peut-être viennent-ils chaque année, peut-être étaient-ils attirés par le fumet de la présidentielle. Ce billet étant libre de publicité je ne les citerai pas, excepté 2, les régionaux de l’étape, qui ne concourent pas pour le maillot jaune de 2017. Laurent Wauquier, nouveau président LR de la région Rhône Alpes Auvergne, a arpenté le site, et s’est fendu d’un éditorial en page 5 du fascicule de présentation du Concours national Charolais, alors que Marie-Guite Dufay, présidente PS de la région Bourgogne Franche Comté, en a écrit un en page 7. Eh oui notre présidente de région s’est exprimé puisque Charolles c’est en Bourgogne. Par contre, énigme, et déception il faut le dire, pas un texte d’elle dans le fascicule consacré au concours Montbéliarde !

Le sommet est consacré à l’élevage bovins -viande et lait-, équins, ovins. Surprise et nouvelle énigme pour le néophyte que je suis, pas d’élevage caprins ou porcins, pas de volailles. Si quelqu’un connait la réponse, je suis intéressé.

Délaissant en grande partie les nombreuses conférences et de multiples stands, j’ai consacré mon temps aux concours et démonstrations. Mais là aussi, il y en a tellement que j’ai dû faire un tri. Véritable « chouchou » du sommet, la race bovine charolaise paradait sur la grande scène du zénith, occupant parfois jusqu’à 3 « rings » c’est-à-dire des espaces de présentation pour les animaux qui se suivent comme dans un défilé de mode. Les taureaux sont présentés par catégories d’âge, dans un espace entouré de gradins remplis par le public, sous les projecteurs et sont filmés avec retransmission sur écrans géants. Les juges évaluent les animaux et les classent. Les meilleurs charolais sont primés.

Toute une séance était consacrée à l’amélioration « génétique » de la race charolaise. Sans toujours bien comprendre ce que disait le représentant d’une firme qui commercialise des « semences » de taureaux, j’ai néanmoins retenu qu’on pouvait choisir celle de géniteurs « accouchement facile », ou des semences sexées. Si les caractéristiques des taureaux étaient vantées, de celles des vaches, pour avoir une bonne et belle descendance, il ne fut pas ou peu question. L’accent était surtout mis sur la maitrise technique de la firme qui recueille le sperme de taureau et le conditionne en paillettes pour des résultats de rêve en élevage productiviste.

J’ai appris que quand on parle des moutons « charollais » ça prend 2 L ! Allez comprendre. Les ovins, étaient aussi à l’honneur. En particulier les races rustiques, du Massif Central et d’ailleurs. Tous les moutons ne se ressemblent pas, contrairement à ce que je croyais. Ceux qui étaient présentés, l’étaient à l’unité, accompagnés chacun par unE élève de lycée agricole. Ces animaux ne sont pas toujours disciplinés, et il est parfois nécessaire de les maintenir de force sous les feux de la rampe, pendant qu’un spécialiste les présente au public fourni et attentif, regroupé sous un vaste chapiteau où se concentrent aussi les box où de nombreuses races d’ovins sont présentés, avec en prime quelques rares chèvres (et bien si, il y avait quelques caprins, mais sans aucune allusion dans le catalogue).

J’ai été content d’assister à la présentation des chevaux de trait comtois (il y a eu d’autres concours pour le trait mais je les ai très peu suivi, esprit de clocher oblige). Les animaux marchent puis courent, à la demande du jury, s’arrêtent et se tournent, présentés « sous toutes les coutures ». Toujours fermement tenus par leur « maitre » qui a parfois bien du mal à les immobiliser ou à les faire reculer. Le Comtois est le cheval de trait le plus répandu en France, et son nombre va croissant, proportionnel à son utilisation puisque partout on renoue avec l’usage qui en était fait dans le passé, par exemple le débardage de bois où il n’occasionne aucun dégât, à la différence des engins à moteur qui causent de véritables ravages à la forêt et au sol.

Chauvinisme peut-être, délaissant Abondance, Tarentaise, Simmental, Prim-Holstein, Normande, Pie Rouge, Brune, j’ai couru assister au concours « Montbéliarde ». Le spectateur dispose comme dans tous les concours, d’un véritable catalogue de présentation des animaux. Pour ces vaches laitières, regroupées par catégorie d’âge, sont indiqués le poids, la production, le taux butyrique et protéique. Sont indiqués aussi ses 2 ascendants, qui sont le père, et … pas la mère, mais le grand-père maternel. Incompréhensible, ce qui incite à se renseigner auprès de son voisin (en l’occurrence une voisine) qui ne sait pas expliquer pourquoi mais qui indique que « c’est comme ça ». Là comme ailleurs y’a du boulot pour l’égalité de genre.

La démonstration de chien de troupeau « sur brebis et oies » permet d’assister à un véritable spectacle, impressionnant par le niveau d’entente et de connivence entre le chien et son maitre. Une partie du temps était consacrée à des explications de la technique de dressage qui utilise l’instinct ancestral du chien habitué à vivre en meute avec des relations hiérarchiques qui sont reproduites avec son maitre.

Outre les animaux, le sommet de l’élevage regroupe les industriels de l’agro-alimentaires et des machines en tous genres. Le modernisme dans son plus vilain sens est omniprésent. Tels ces engins agricoles démesurés, de 4 m de haut, de 30 m d’envergure, des roues de 2 m de diamètre ou plus, avec la clim et la stéréo, pilotés par satellites[GV1]  qui fournissent des données photographiques permettant de commander automatiquement la distribution des semences. Mais aussi d’autres engins, en particulier de bûcheronnage où là aussi le gigantisme domine. La géolocalisation vous sert à savoir en temps réel où est votre troupeau. Votre cheptel est toujours disponible sur votre smartphone. Pour votre bétail souffrant, pour la boiterie d’une de vos vaches, voici la solution : le matelas à eau, que je connaissais dans les hôpitaux pour les malades très longtemps alités. Mais malgré tout cela, les paysans sont écolos, alors entre les engins, dans les allées, pour évacuer les déchets des milliers de visiteurs du sommet j’ai vu de véritables trains de containers-poubelles à roulettes … tirés par un cheval de trait.

Ça nous rappelle que les traditions sont toujours présentes. On peut assister à un concours de forge maréchalerie entre lycées agricoles. Visiter des stands de sellerie, d’apiculture, de viande et de charcuterie, de fromages, avec une place conséquente pour la production bio ou la valorisation de races anciennes et méconnues qui suscitent un regain d’intérêt en raison de leur rusticité (comme les vaches Jersiaises) leur permettant de s’adapter à la météo du Massif Central, où elles produisent du lait de qualité.

Tous les aspects de notre existence sont présents. La santé avec des panneaux nous expliquant ce qu’est l’allergie à l’Ambroisie (une plante dangereuse) qu’il convient de connaitre (ne pas confondre avec l’Armoise vulgaire) et qu’il convient d’éliminer (c’est prescrit par arrêté préfectoral et les dépliants vous expliquent comment). Mais aussi la culture avec des dessins et gravures de bovins, ou des jouets en bois.

Les syndicats agricoles sont présents, chacun leur stand, FNSEA, Conf’ paysanne, et Coordination rurale dont on murmure qu’elle serait parfois proche de la droite dure voire extrême. Mais pas le temps d’aller leur rendre visite. D’autant qu’ils ne sont pas voisins mais très éloignés les uns des autres.

Alors, n’hésitez pas, l’an prochain, du 4 au 6 octobre 2017, courez au Sommet de l’élevage à Cournon d’Auvergne, ça vaut vraiment une visite. Vous pouvez consulter le site qui existe déjà mais qui précise néanmoins « Prenez garde, toutes les dates sont sujettes à changement, contactez l’organisateur avant de prévoir votre déplacement ».


 [GV1]Mences

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