En souvenir de ma mère je dépose plainte

En souvenir de ma mère, je dépose plainte


Alors que de plus en plus de gens sont touchés par la mort, je pense à ma mère, décédée, à 69 ans, il y a moins de deux ans. C’était dur, surtout parce que ça l’était pour elle. Elle a beaucoup souffert physiquement jusqu’à son arrivée en soins palliatifs ; elle a évidemment souffert psychiquement aussi. Mais beaucoup de choses merveilleuses ont accompagné son départ : être là pour elle et juste pour elle, elle qui a tant été présente pour les autres ; de grands éclats de rire accompagnés d’un verre de vin à l’annonce de la mise en examen de Nicolas Sarkozy ; de la complicité en mangeant des gâteaux « interdits ». 

Elle a pu attendre que ses trois enfants – jusque là nous nous relayions –, ses deux petites filles et sa sœur soient ensemble autour d’elle pour partir. Tous ses amis les plus chers étaient présents pour son enterrement un jour où il faisait un temps splendide. C’est le sourire du chauffeur du bus de l’école – inchangé après trente-quatre ans, sauf qu’il ne me faisait plus peur – qui nous a accueillis en ouvrant la porte de l’église et la dame de la cantine de l’école de notre enfance – aujourd’hui responsable de la paroisse – qui a organisé la cérémonie. Ce sont ses deux amis prêtres qui ont fait une belle cérémonie à son image, simple et joyeuse, dans l’église du village de mon enfance (où mes frères et moi étions les seuls à ne pas aller au catéchisme).

Paradoxalement, je me dis que j’ai eu de la chance de la perdre dans ce moment – même si j’aurais préféré la « garder » – parce qu’aujourd’hui, ce n’est pas un bon moment pour mourir. Quelque soit l’engagement des soignants et personnels des hôpitaux, des Ehpad, aujourd’hui ce n’est pratiquement pas possible d’accompagner celles et ceux qui nous quittent. A la perte s’ajoute l’impossibilité de dire un dernier au revoir.

Je ne conteste pas ces mesures barrières pour protéger les vivants, les soignants. Néanmoins, j’ai vraiment besoin de comprendre, comme bien d’autres que moi davantage touchés, pourquoi on en est arrivés là ? Que toute cette peine, à défaut de trouver du sens, trouve une explication. C’est peu de dire que l’intervention du président de la République du lundi 13 avril ne m’a pas permis d’avancer.

Je n’ai aucune envie d’être « rassurée », je veux comprendre. Je n’ai aucune confiance dans un chef de l’Etat qui se comporte comme le serpent Kâââ du Livre de la jungle cherchant à hypnotiser Mowgli. Alors, je repense à ma mère qui faisait plein de lettres, à ceux qu’elle aime, à ceux qui ont besoin de réconfort et aussi à ceux qui doivent rendre des comptes. C’est pourquoi j’ai décidé de porter plainte contre X devant le procureur de la République pour augmenter les chances qu’une enquête soit ouverte. 

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