En plus il pue… (souvenir d’enfance aux Vaîtes )

27 septembre 2021

Quand j'avais 10 ou 11 ans, j'étais souvent invité chez ma copine Sabine, qui habitait rue François Rein. Sa mère était une gentille dame, grande et sèche, qui voyait sans doute d'un bon œil sa fille fréquenter un fils de bonne famille.

Elle venait nous chercher à la sortie du cathé et nous ramenait à la maison pour un gentil goûter, puis, s'il faisait beau, et que nous étions bien couverts nous laissait sortir pour jouer.

J’aimais beaucoup ce coin de Besançon. Y arriver était pour moi déjà tout un voyage : dans sa petite voiture, nous passions derrière la gare Viotte, remontions toute la rue de Belfort tournions au garage Betteto. En bas de la pente de la rue Leboeuf, elle nous achetait des pâtisseries chez Gaudin, que nous mangions dans la cuisine pour ne pas faire de miettes, tout en lui racontant notre journée,

Rue Anne Frank, en contre bas des maisons perdues sous les arbres, il y avait un terrain vague, qui était déjà un endroit à explorer, et où nous aménagions des cabanes. Parfois, plus téméraires, nous poussions le vieux portail à moitié rouillé du cimetière israélite, pour nous faire peur parmi les tombes. Les gens s'affairaient dans les jardins, nous surveillant du coin de l’œil, en buvant un verre ou en sarclant un carré de légumes.

Quand je demandais pourquoi il n'y avait rien de construit, la mère de ma copine me racontait tristement que ce coin de campagne dans la ville était promis à la destruction et qu'une bretelle du Boulevard Est devait se faire un chemin sous leurs yeux.

Une grande partie des enfants se retrouvait parfois autour du banc en pierre qu'il y avait alors à coté du transformateur électrique. Des enfants du quartier, du bas de la rue Anne Frank, de Charigney. Elle en fréquentait quelques uns à l'école, ils vivaient dans les trois tours de la rue de Charigney ou les petits immeubles de l'avenue de la Vaite. La « plate », le garage de la rue Schweitzer, avait mauvaise réputation, nous ne nous y risquions jamais. On disait qu'il y traînait des gens peu fréquentables, des clochards ou des vagabonds.

Un peu comme de l'autre coté de la colline, rue de Chalezeule, où nous avions l'interdiction formelle de nous balader.

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Un des derniers souvenirs que je garde de ce quartier, est plus tardif que ces temps innocents.

Nous devions être en cinquième ou quatrième car ma copine et moi avions fini de faire notre confirmation. J’étais content des trois jours de vacances que cette retraite spirituelle me procurait, sans d'ailleurs que cela ne pose de problème à l'administration du collège public où j'étais inscrit.

Nous nous sommes retrouvés après la dernière journée avec les autres en bas de la rue. Il y avait du soleil, on était bien. Je ne me souviens plus qui avait invité un nouveau dans notre groupe, c'était peut être Luc, le fils de l'employé de banque qui habitait la petite maison du bout ou Dominique, le fils du maraîcher. Le nouveau, lui venait de plus loin, des Orchamps.

Ma copine a fait la moue. Mohammed pourtant était gentil. Il avait, en plus, amené un beau ballon de foot en cuir. L'un d'entre nous lui demanda s'il l'avait volé.

Mohammed n'a rien dit.

Il a regardé tous les enfants blancs et il s'est approché de celui qui l'avait apostrophé.

- si ça te pose un problème t'es pas obligé de jouer.

La situation était tendue. Sabine m'a pris par la main, et m'a dit qu'il fallait rentrer. En remontant, elle m'a lâché :

- Il vient nous emmerder et en plus il pue...

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