Dr Eric Loupiac – Mort pour la France

La crise du coronavirus aura eu du bon dans la réorganisation hospitalière entend-on à l’heure du déconfinement. A Lons-le-Saunier elle aura laissée un mort et une équipe endeuillée.

La direction hospitalière n’est ni meilleure ni pire qu’ailleurs. Comme partout, formée à l’éthos de la réduction des dépenses. Comme partout, voguant de restructurations en réorganisations, laissant pour compte la qualité des soins et la dignité des conditions de travail.

Sur le covid on a mis les conflits de côté, et l’administration a joué le jeu. Deux filières comme c’est l’usage, une pour les suspicions, l’autre pour le reste. C’était même mieux qu’ailleurs, les équipements de protection individuelles n’ont pas manqué, du moins pas sur la filière covid. Est-ce à dire que l’on était prêt, comme ils ont pu le déclarer dans le journal local ? Non. Personne n’est prêt. On ne démarre pas une course cinq cent mètres derrière les autres.

La pénurie de matériel à l’échelle nationale a forcé les établissements à avoir une gestion pour le moins parcimonieuse. A ne pas équiper tout le monde, à créer des filières. Organisation fantasmée, fantasque, contre un virus agissant à bas bruit. Tu bosses dans un service non covid ? Pas de chance pour toi. Il apparaît aujourd’hui que les services les plus contaminants étaient ceux qui n’étaient pas étiquetés covid. On se demande bien pourquoi.

Eric a pris en charge l’un des premiers patients atteints de Covid-19, début Mars, dans la filière non covid des urgences du Centre Hospitalier de Lons-le-Saunier. Celui ci ne présentait pas de symptômes identifiés comme potentiellement covid à ce moment là. Il ne toussait pas, n’avait pas de fièvre, ni de perte de goût ou d’odorat. Il était confus, affaibli, diarrhéique. Ce n’est que par la suite que ces symptômes seront considérés comme suspects.

Alors rien ne dit que c’est cette garde là qui aura été celle de trop pour Eric. Nous n’avons pour solde de tout compte que des interrogations qui resteront à jamais en suspend.

Comment ces symptômes courants ont pu être méconnus à ce moment là par notre ministre de tutelle ? L’Italie, la Chine, la Corée du Sud et bien d’autres les avaient probablement déjà identifiées, les informations vont tellement vite dans le monde... De toute évidence pas jusqu’au service des urgences de Lons le Saunier.

Comment les équipes d’hygiène, garante des bonnes pratiques, ont pu laisser filer des protocoles de port de masques FFP2 dans les seuls soins invasifs ? A les croire, un sacro saint masque en canard ne se mériterait que dans le cadre d’une intubation ou d’un écouvillonnage. Quand je vois le patient à l’accueil des urgences, je lui pose une question, il me tousse à la figure. Je lui donne à manger, il fait une fausse route et me tousse à la figure. Je le tourne en le lavant, il me tousse à la figure. Il y a des endroits où ce sont les brancardiers qui ont été le plus touchés...

Alors voilà, tout est absurde. Aujourd’hui le gouvernement nous dit que les masques arrivent. Pour nous ce n’est plus un sujet. Est-ce qu’il y en avait assez pour assurer le principe de précaution dès le début de l’épidémie ? Non. Fin de l’histoire.

On ne saura jamais le nombre de soignants contaminés. On se rappellera par contre d’Eric, de la sacoche de « loulou », de la prudence et de la rigueur dont il faisait preuve. De son combat contre la suppression de la deuxième ligne de SMUR, pour la défense de l’hôpital public et pour un système de santé plus juste.

A défaut de certitudes et de chiffres pour nous rassurer, nous gardons avec nous l’amertume et les doutes d’un numéro de cirque de bout en bout. Mensonges éhontés, absurdes, insensés.

Hugo HUON, président du Collectif Inter-Urgences
Estelle VOISIN, représentante régionale Bourgogne Franche-Comté

Une grande pensée à sa famille, particulièrement à Claire et ses 3 enfants, les amis et collègues d'Eric Loupiac parti bien trop tôt.

A toutes ces personnes sacrifiées : Ni Oubli, Ni Pardon.

Laisser un commentaire