Demain, que les Amazones triomphent d’Amazon !

D’un côté, nous avons les premiers de cordée, si chers à Emmanuel Macron dont l’exemple actuel le plus criant est Jeff Bezos, PDG d’Amazon.

De l’autre, les premières de corvée, trop chères pour Emmanuel Macron et pourtant en première ligne lors de cette crise sanitaire.

Jeff Bezos, lui, ne connait pas la crise, ni financière, ni sanitaire. Depuis son immense demeure à Médina, près de Seattle ou de sa maison de 1200 m2 à Beverly Hills, il doit se délecter de l’évolution toujours plus à la hausse de l’action d’Amazon.  Cette action a atteint mi-avril son record de 2 282 euros, en hausse d’un tiers depuis le début de l’année, ce qui a pour conséquence d’accroître la fortune personnelle de Jeff Besoz qui culmine actuellement à 135 milliards d’euro [1].

Amazon, c’est l’entreprise, qui en France, n’hésite pas à jouer avec la vie de ses salariés durant la crise sanitaire pour continuer à livrer tout et n’importe quoi [2]. Ce 24 avril, la cour d’appel de Versailles a d’ailleurs confirmé la décision du tribunal de Nanterre ordonnant à Amazon de restreindre l’activité de ses entrepôts aux produits essentiels sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée.

Amazon, c’est aussi le « champion de l’emploi précaire, expert en évasion fiscale et gros pollueur » qui dissimule 57% de son chiffre d’affaires réalisé en France, qui produit 55,8 millions de tonnes de CO2 en 2018, soit l’équivalent des émissions du Portugal et qui a provoqué une destruction nette de 7900 emplois [3].

Pour Jeff Bezos et consorts, les craintes de la crise actuelle sont avant tout économiques et très peu sanitaires, l’appel honteux de la décision du tribunal de Nanterre le prouve, sans ambiguïté possible.

Rassurons-les tout de suite, bien que parfois également touchés par les crises économiques avec l’effondrement des cours boursiers, les premiers de cordée sont les premiers à se relever alors que « ceux qui ne sont rien » restent bien à terre et subissent de plein fouet et pendant longtemps les politiques austéritaires. Lors de la crise de 2008, aux Etats-Unis, « les très riches ont touché le fond assez vite, mais ont aussi retrouvé très rapidement leur position d'avant la crise. Pour finalement faire plus que compenser leurs pertes. En revanche, en bas de la pyramide sociale, les 50% les plus pauvres ont un niveau de richesse plus faible qu'en 2008. » [4]

Pendant que Jeff Bezos se frotte les mains donc, d’autres, et ils sont nombreux, sont en première ligne et mettent leur santé en danger, ainsi que celle de leurs proches avec toute la culpabilité que cela peut engendrer. Nombreux oui, enfin, nombreuses tant les femmes sont mises à contribution, guerrières du quotidien, Amazones des temps modernes. Dans une tribune publiée [5] le 18 avril par des chercheurs et représentants syndicaux, on nous rappelle très justement que la majorité des emplois actuellement mobilisés sont très féminisés alors même que l’écart salarial reste de l’ordre de 26 %. « Ce sont les soignantes, infirmières (87 % de femmes) et aides-soignantes (91 % de femmes), mais aussi des aides à domicile et des aides ménagères (97 % de femmes), des agentes d’entretien (73 % de femmes), des caissières et des vendeuses (76 % de femmes), ce sont aussi des enseignantes (71 % de femmes). »

 

Et pourtant, tous ces métiers, auxquels on pourrait ajouter les éboueurs et les postiers ou encore les ouvriers sur les chantiers ou dans les usines ne valent pas grand-chose aux yeux des premiers de cordée. En temps normal, tirer les salaires de leurs employés vers le bas est leur sport privilégié. S’affranchir des normes de sécurité et de conditions de travail, leur défi de chaque instant. En ce temps de crise sanitaire, tout cela est exacerbé. Jamais autant le slogan « Nos vies valent plus que leurs profits » n’a résonné aussi juste. Nos vies, au sens vital du terme, avec lesquelles ils jouent actuellement mais également nos vies en tant qu’existence qu’ils piétinaient hier et qu’ils piétineront demain.

 

Si le jour d’après, nous voulons un changement, il faudra aller le chercher. Eux ne changeront pas, bien au contraire. Déjà la petite musique sur l’allongement du temps de travail, la réduction des congés, la course à la croissance, résonne comme un couplet mille fois entendu. Cette lutte a été, est et sera perpétuelle. De tout temps, il a fallu batailler pour conquérir des nouveaux droits et défendre nos acquis. Si nous voulons une société humaniste, écologiste, féministe, sociale, nous ne pouvons pas, nous ne devons pas compter sur eux, nous devons prendre les devants et ça commence par les descendre de leur piédestal. Partout, tout le temps, dans les entreprises, dans la rue, dans les urnes, ça doit être un combat perpétuel, usant, âpre mais il n’y pas d’alternative.

Puisqu’elles sont les plus touchées par ces inégalités, les plus dévalorisées par notre société, cette transformation en profondeur ne peut passer que par une place beaucoup importante accordée aux femmes, y compris et en premier lieu dans nos mondes militants. Cette place, elles doivent se la faire et nous devons la leur laisser.

Alors, pour que demain les Amazones fassent tomber Amazon, retroussons-nous les manches. La gauche doit être unie dans ce combat et cesser les querelles d’ego et de clocher, car en face, ils font front commun et ça tape fort.

 

[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/25/coronavirus-jeff-bezos-sujet-incontournable-en-temps-de-crise_6037743_3234.html

[2] https://www.monde-diplomatique.fr/2020/04/MALET/61592

[3] https://www.bastamag.net/Amazon-cadeau-Noel-Black-Friday-evasion-fiscale-interim-Attac-Gafam-pollution

[4] https://www.franceculture.fr/economie/lucas-chancel-les-crises-ont-un-effet-tres-fort-en-bas-et-en-haut-de-la-pyramide-sociale

[5] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/18/covid-19-il-faut-revaloriser-les-emplois-et-carrieres-a-predominance-feminine_6036994_3232.html

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