Décence / Indécence

8 octobre 2021

Depuis que je me suis mis à écrire mes petites anecdotes et mes souvenirs, à les publier sur Factuel, je me suis plusieurs fois demandé ce qui me poussait à le faire, surtout que ce n'est pas moi le « lettré » de ma vie quotidienne.

Le premier texte que j'ai publié, je l'avais écrit sur un coin de table, parce que j'avais eu le besoin de mettre des mots sur ce que j'avais vécu et que je trouvais que ce que j'avais vu en valait le peine.

Je dois avouer que beaucoup de billets sont restés à l'état d'ébauche, se résumant à quelques mots griffonnés sur le coin d'un agenda ou au dos d'une enveloppe. Parfois en vidant mes poches pour laver mes pantalons, je retrouve un carré de papier mal découpé, à moitié déchiré, presque illisible, sur lequel quelques mots sont tracés.

Dernièrement, j'ai déplié une note de carte bleue au dos de laquelle j'arrivai à peine à lire ce couple bizarre : «  décence / indécence ».

J'ai d'abord pensé que j'avais noté cela en repensant à la « common decency » de Georges Orwell. Cette faculté du peuple à être dans la mesure, dans le vrai de la vie. Mais en regardant le ticket, j'ai vu que je venais, peu de temps avant d'écrire ces mots, d'acheter pour plus de cent cinquante euros de vêtements.

Mais bon, comme dirait ma compagne, « avec toi c'est plus de l'investissement que du caprice, vu que tu les portes jusqu'à la corde. Et encore, je suis gentille... »

Je me suis rappelé aussi que ce pourrais avoir un lien avec les Vaîtes, sujet polémique du moment. Le rapport n'était pas évident. A quelle échelle se situe la décence ? De quel coté ?

Je suis rappelé ensuite le billet d'humeur qu'un journal avait fait sur le discours de M Emmanuel Macron lors de la réception des sportifs revenant des jeux Olympiques et Para Olympiques. Et appelé avec ce zeste d'humour coutumier qui va si bien à cet ancien journal d’extrême gauche: « Paris 2024 : le discours indécent du coach Macron ». Comme toujours, il y allait de son couplet néolibéral et paternaliste : « d'accord pour des sous mais en échange de réformes profondes ». Là, le chantage se situait sur un mode surréaliste, très novlangue, aurait pu écrire Georges O. Il demandait aux sportifs de signer avec l'état un «pacte de performance», d'intégrer des «cordées du sport» ou de développer leur «capital sportif-entrepreneur».

Sinon...

Finalement, c'est Radio Bip qui m'a aidé. Alors que je rongeais ces deux mots, décence, indécence, que je les triturais machinalement en fumant une cigarette, le dernier tube d'Antoine Bataille est passé sur ses ondes.

Antoine Bataille, L'indécente beauté du monde, 2020

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