De l’écologie populaire. Réponse d’écologistes « réactionnaires champêtres » à un élu communiste.

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Camarade Hasni Alem, tu as publié une longue tribune où tu défends le bétonnage des Vaîtes et nous fais une leçon d’écologie populaire. Ton parti ayant mis en ligne sur son site cette tribune, et maintenant que tu es élu, nous allons donc te répondre. Tout écologistes « réactionnaires » et « champêtres » que nous soyons, pour reprendre tes mots.

De nombreux logements vacants à Besançon

« Commençons par les faits » dis-tu. Soit. La vacance de logement à Besançon n’est pas « frictionnelle » comme tu le dis, mais est aujourd’hui liée essentiellement à la promotion immobilière délirante soutenue par la majorité sortante. De 6,1 % de logements vacants en 2007, on est passé à 10,1 % en 2016 : ça frictionne non ? Le ballet des grues et pelleteuses est incessant à Besançon depuis des années.

Tu nous expliques ensuite que Besançon aurait besoin de 500 nouveaux logements par an pour maintenir sa population. Ces chiffres sont issus du PLH (Plan Local de l’Habitat) et du ScoT (Shéma de Cohésion Territoriale), documents établis par les élu·es et qui servent aussi ici de justification aux politiques des élu·es… Pratique non ? En résumé : « il faut produire 500 logements par an. La preuve ? On a écrit un document qui explique qu’il faut produire 500 logements ». Ou pire : « on a payé une expertise 30 000 euros (étude Taïeb/Adequation de 2016) pour nous le confirmer, à partir des chiffres qu’on leur a fourni. »


Nous regrettons ta vision des choses qui s’inscrit dans un rapport capitaliste au monde. Nulle remise en question de la nécessité de construire par rapport à la réhabilitation ou au réaménagement des bâtiments anciens. Nulle pensée sur l’épuisement des ressources naturelles, notamment le sable, matière première nécessaire au béton et qui devient objet rare. Aucune réflexion sur le processus de métropolisation qui vide les villes moyennes et les campagnes au profit de villes plus grandes, elles-mêmes vidées etc, etc.… Nulle pensée sur le rôle du lobby immobilier dans la définition des objectifs publics de logements.


Parlons lobby donc. Sais-tu quelle est la position de la Fédération des Promoteurs Immobiliers de France, principal lobby ? Continuer à construire pour densifier les métropoles [1, 2, 3] et faire baisser les prix plutôt que d’encadrer les prix ou encore réhabiliter l’ancien, et aussi faire de la pédagogie pour faire accepter cette politique malgré l’hostilité des citoyens. Cet argumentaire te rappelle quelque chose ? Oui, c’est celui de la municipalité sortante. Sera-ce le vôtre également ? Nous espérons que non.


Tu expliques encore que les T4 et T5 ne sont plus nécessaires, que les grandes familles n’existent plus à Besançon, qu’il faut construire donc pour les personnes seules. Tu ignores à cette occasion les documents sur lesquels tu t’appuies pourtant précédemment. Le PLH ou encore l’étude logement Taïeb/Adequation de 2016 affirment en effet qu’il faut privilégier la production de grands logements à Besançon. Soit l’inverse de ce que tu affirmes.

Pour une critique sociale du concept de densification urbaine


Vient ensuite l’argument de la densification urbaine contre l’étalement urbain. On cherche en vain une étude sérieuse montrant que la densification urbaine aurait permis de lutter contre l’étalement urbain. Dans le cadre de la métropolisation capitaliste, ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un ET l’autre. Besançon continue à bétonner à tout va ET les communes du Grand Besançon également. Cela sera le cas tant que la logique restera celle de la mise en concurrence des territoires, des villes les unes contre les autres, plutôt que la coopération. La baisse des dotations de l’État pousse les collectivités à construire pour solidifier leurs budgets à base de taxes foncières, comme Jean-Louis Fousseret l’expliquait en janvier 2013 lors d’un débat en Conseil Municipal sur les Vaîtes (déjà!). Le capitalisme poursuivant son œuvre en France comme ailleurs, il n’y a donc aucune chance pour qu’une commune cesse de construire, l’objectif étant de grappiller un peu des habitant·es que d’autres n’auront pas. Les communes obéissent ainsi à la politique de l’offre plutôt qu’à celle de la demande : cela devrait pourtant parler au communiste que tu es.

Tu parles de la densification urbaine comme d’une réponse à la pollution induite par les migrations pendulaires travail-maison. C’est une notion aujourd’hui vieillotte que ce soit en terme d’urbanisme ou d’écologie. Des travaux récents lui remplacent la question de l’organisation des centralités. On sait aujourd’hui que la Consommation annuelle énergétique par personne pour les déplacements de loisir (par avion notamment) augmente avec le taux de densité des villes et annule les effets induits par la réduction des déplacements quotidiens.


Dès 2005, l’étude norvégienne Holden et Norland explique que « les morphologies urbaines ont des incidences sur la consommation directe d’énergie. Ils confirment d’une part le lien entre densité et mobilité de loisir à longue distance et d’autre part démontrent que l’accès à un jardin privé réduit la mobilité dans tous les contextes urbains. Même si la présence de ces jardins est évidemment corrélée à la densité et à la morphologie urbaine d’un lieu, toutes choses égales par ailleurs, leur présence a plus d’impact sur la mobilité que la morphologie et la densité urbaine. »


Ces études sont vulgarisées depuis de nombreuses années déjà dans les milieux écologistes un peu avertis. Et, oui, cher camarade, c’est dingue mais les êtres humains ont besoin de nature et d’espace. Notre écologie est peut-être champêtre mais la tienne est franchement dépassée.


Plus globalement nous sommes opposées à un monde où l’accès à la nature, à un jardin, à un chemin de promenade serait réservé à la bourgeoisie. Les pauvres aussi y ont droit. Qu’on commence par densifier les grandes propriétés privées bourgeoises en pleine ville avant de bétonner les jardins populaires. Après, on cause.

Au sujet du logement social

Vient ensuite l’argument « massue » : Planoise. Tu nous rappelles que l’habitat est « délabré ( ascenseur qui ne fonctionne pas, cage d’escalier décrépi…) » On te rappelle que la majorité PS-PCF-EELV gère la ville depuis des dizaines d’années et est un peu responsable de la situation. Sinon qui ? On te rappelle que la concentration de la misère est le fait des politiques urbaines menées depuis des années par la dite majorité : Rosemont, Grette, Fontaine-Ecu déconstruits et habitant·es bien souvent relogé·es à Planoise. On te rappelle que le nouveau Plan de Renouvellement Urbain a été voté à l’unanimité par le Grand Besançon, élu·es communistes compris, sans aucune consultation populaire et contre l’avis du Conseil Citoyen qui était pourtant censé être consulté.


Tu nous dis que « On ne rénove pas un bâtiment de 15 étages, on le détruit ». Te voici bien présomptueux. La Convention Citoyenne pour le Climat dit pourtant l’inverse. Nous citons : « poser le principe d’une évaluation obligatoire du potentiel de réversibilité avant toute démolition au niveau de la loi, et d’imposer des éléments de preuve dans la partie réglementaire à propos du contenu de la demande de permis de démolir. » SL3.8. Ce principe aurait été bien utile aux locataires de l’immeuble Chaillot. Te souviens-tu d’eux et elles ? Ces gens qui aimaient leur immeuble de 15 étages et souhaitaient y rester ? Qui es-tu pour savoir à leur place ce qui est bon pour eux ? La démolition a pourtant été actée par la majorité sortante à deux reprises.


La même Convention Citoyenne pour le Climat veut interdire toute artificialisation nouvelle tant qu’il existe des friches non utilisées. Veux-tu qu’on te cite toutes les friches disponibles à Besançon avant de venir bétonner les Vaîtes ?

Tu nous expliques qu’il faut de la construction de logement social sur les Vaîtes, qui n’en disposerait pas. De fait le quartier est essentiellement naturé. Mais prends une carte, les Vaîtes c’est pile-poil entre Palente et Clairs-Soleils. Et devine où habitent une grande partie des jardiniè·res ? Et aux Vaîtes même, avenue de Charigney, on trouve 4 grandes barres d’immeubles de 15 étages (qu’il faudrait démolir donc si on t’écoutait) : ses habitant·es aiment leur logement, leur quartier, et l’environnement joue pour beaucoup. Le paysage, les jardins, l’espace pour se promener et promener leur chien…

Pour une écologie populaire !

Comme tu le vois, l’écologie que nous défendons est une écologie populaire. Il y en a assez d’opposer écologie et emploi, écologie et social, écologie et économie. Assez de ce chantage.


Last but not least, pour délégitimer notre lutte, tu nous accuses de vouloir défendre nos petits jardins… C’est trop facile. D’abord on nous a accusé de faire de la récupération ou de l’agitation politique. Puis quand il a été su que nous habitions sur place, l’accusation « not in my backyard » est arrivée. Bref, dans tous les cas, nous avions tort de lutter.


Nous ne défendons pas nos jardins, nous défendons LES jardins, les zones humides, le vivant, la vie sociale de l’endroit où l'on habite. Penser global, agir local, ça doit te parler ? Nous serions des écologistes inconséquentes si nous ne commencions pas la lutte pour un monde meilleur, la lutte pour le vivant, à l’endroit où nous habitons. La lutte écologique n’est pas faite que de jolis mots, de voyages en car pour aller manifester dans des endroits éloignés : elle commence là où nous vivons.


Nous avons les mains dans la terre des Vaîtes, nous la défendrons.

Claire Arnoux et Marie-Hélène Parreaux, co-présidentes de l'association "Jardins des Vaîtes"

Commentaires

  •   Donc si j’ai bien compris ,

      Donc si j’ai bien compris , c’est une piqûre de rappel ?,    êtes   vous  capable de rentrer  dans un cadre  …  de proposer ,(une  nouvelle dynamique) , afin  que  tout le monde  dans votre mouvement , y compris   voisin-e-s  puissent  partager  ,  échanger leurs expérience  ,compétences  et participer  à cette nouvelle   façon de  prendre les choses  en main ,je parle  de l’équipe  municipale  élue  ,sans    leçons  à donner ,chacun sa  liberté    et  liberté  de penser


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