De la rotondité de nos cerveaux

Je me souviens d'avoir découvert à l'école primaire, dans la classe de Mme Gury, que pendant longtemps, à une époque lointaine, les êtres humains avaient pensé que la Terre était plate. Dans mon cerveau d'enfant, alors, j’imaginai avec angoisse les explorateurs en caravelle allant au bout de l’océan, approchant d'un gouffre dont je me ne pouvais imaginer l'éternité. Des siècles à tomber dans le vide...

A moins, ai-je alors pensé, qu'une barrière infranchissable, semblable à une immense vitrine, nous empêche de passer, et retient par la même occasion tout l'eau des océans, évitant à ceux-ci de se vider.

Cette vision m'avait quelque peu chamboulé.

Je demandai à mes parents de me confirmer que la Terre était bien ronde. Ma mère se mit à rire et descendit un globe terrestre d'une haute étagère du bureau de mon père, fit tourner la boule autour de axe penché, alla même jusqu'à pointer le petit coin de terre où nous vivions, heureux et insouciants.

Mais je n'étais pas encore rassuré.

- Si nous sommes au dessus, alors les chinois, les africains, les australiens, les chiliens et tous les autres qui vivent dans l’hémisphère sud, comment font-ils pour vivre la tête en bas ? Et ce qu'ils ont dans leurs poches, leurs mouchoirs, leurs billes, tout tombe de la même manière, inexorablement.

- Ne t’inquiète pas. Ils vivent comme nous. Une force, la gravitation, nous attire vers le centre de la Terre et nous retient, à la manière d'une aimant.

Je me perdis dans mes pensées. Ce qui est en haut pour nous est en bas pour les autres et cela ne change rien ?

- Et l'équateur comment cela se passe ? Comment on fait ? On enjambe le sillon en faisant un saut de cabri ?

- Ne t’inquiète pas encore une fois, nous n’avons rien à faire, tout ce passe en douceur, on ne s'en rend pas comte du tout. Regarde tante Annie, qui habite au Brésil, là. Elle me désigna du bout de main une immense pays vert. Quand elle revient, elle dit que cela n'est pas un problème, elle est plutôt à se plaindre du froid de chez nous.

Tante Annie, je l’aimais bien. Pourtant je savais qu'elle me cachait des choses. Elle appelait parfois, tard le soir, en chuchotant dans le combiné. Elle partait avec ma mère faite des courses pendant des heures, sans que j'aie eu une seule fois le droit de les accompagner. Heureusement, elle me confiait à la bonne qui pour faire passer mon chagrin, se lançait dans la fabrication de crêpes.

Bien plates. Rigoureusement et scientifiquement plates.

Laisser un commentaire