Clarysse

Lundi 28 juin.

Clarysse, je te regarde.

Tu joues à te tordre les poignets, la tête sur le coté, à voir le monde par en dessous, en jouant des épaules.

Lorsque je suis passé te chercher tout à l'heure chez ta tante, la sœur d'Alice, tu m'attendais, habillée de pied en cap. J'ai sonné, tu m'a vu et je t'ai saluée.

Ce sont nos petits rendez vous. Toutes mes RTT y passent. Ils sont réglés : je viens chez toi et nous sortons, au parc, au musée, là où nos inspirations nous guident.

Tu es sortie de l'appartement très vite, nous t'avons suivie dans les escaliers et le temps que je me retourne pour faire la bise à Marie, tu étais déjà installée à l'arrière de la voiture, tirant sur la ceinture de sécurité.

Je t'ai emmenée chez nous. Tu as bu un verre d'eau sur la terrasse, et tu t'es installée dans le jardin, au milieu des fleurs et des papillons. De temps en temps tu regardais vers moi. Qui aurait pu deviner que tu avait presque 30 ans ? Avec ton sourire, ta peau sans rides, tu sembles plus jeune que ma fille.

Il n'y a que quand tu marches que tu me fais encore peur maintenant. Les genoux se croisent, ton dos va et vient, j'ai toujours envie de tendre le bras pour te retenir. Mais tu ne tombes jamais.

Que se passe t'il dans ta tête ?

Dans ton cœur ?

Quelles images gardes-tu de nous, quels sons que nous produisons te sont familiers, agréables ou sinistres ? Nous qui vivons sans jamais nous questionner, ou si peu. J'ai l'impression, lorsque je suis avec toi, que nous avons perdu quelque chose, comme lien vers nous même.

Clarysse, il faut que je le dise.

Je ne sais pas si tu pourrais vivre deux semaines sans les soins d'autres êtres humains. Dans certains pays, et même ici, il y a peu, tu serais placée dans un erzatz d’hôpital, sans rien, à l'écart de tous, ou que tu serais peut être déjà morte depuis longtemps, un oreiller sur le visage.

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