Canular ou du cochon

Je me suis levé tôt ce lundi 1er avril. Après quelques mouvements destinés comme chaque matin à me connecter à la terre, à l'air et au soleil - oui, le ciel était dégagé -, je passai au rituel de connexion au monde social : la consultation de la une d'un quotidien national, histoire de ne rien louper d'important dans l'actualité du week-end que je venais de passer sans écran ni journal ni radio ni télé. 

Droit à la déconnexion bien ordonné commence par soi-même.

Comme je l'ai déjà dit, on était le 1er avril. En parcourant les titres sur mon ordinateur, je guettais donc les signes de ce qui pouvait être le poisson d'avril, le fameux canular du jour. Enfin, de l'année. J'avais en mémoire ceux que j'avais osé commettre ou que j'avais vus passer et qui m'avaient fait sourire. Un 31 mars du siècle dernier, j'avais ainsi inventé l'histoire scabreuse d'une truite si énorme qu'elle avait bloqué la station d'épuration d'une petite ville de montagne en se coinçant dans la conduite d'évacuation qu'elle remontait. Il y a cinq ans, j'avais bien ri en ouvrant le courriel d'un militant environnementaliste qui joignait la photo d'un drôle de poisson récupéré dans une rivière polluée au lisier (voir ici).

Mais cette année, j'ai trouvé mieux. Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy ensemble sur le plateau des Glières. La nouvelle m'a paru incroyable, même si j'avais en mémoire l'admirative et un peu amère formule de Sarkozy à l'égard de Macron : « c'est moi en mieux ». Mais c'est justement parce que je l'avais à l'esprit que j'ai eu un peu de mal à croire ce que je lisais.

J'entrai dans l'article de Libération, et très vite mon incrédulité devint évidence : le voilà mon poisson d'avril !  A mesure que ma lecture avançait, je trouvais même le canular rudement bien rédigé. Parce qu'on croyait que c'était vrai. Les citoyens résistants qui n'appréciaient pas que Sarkozy eut instrumentalisé la mémoire du maquis des Glières quand il était à l'Elysée, venus en opposants, étaient caricaturaux de vraisemblance. Chapeau bas confrère, me dis-je. Inventer un tel poisson d'avril, il fallait le faire ! Tout joyeux, j'en parlai à ma compagne. Elle aussi trouva cela réjouissant.

Nous partîmes chacun travailler et dans la voiture, j'allumai la radio. Là aussi il était question de Macron et Sarkozy aux Glières. Mon canular s'effondrait : le même poisson d'avril ne pouvait pas avoir été inventé par deux journalistes ! D'autant qu'en changeant de station, d'autres encore en parlaient… 

Sur la route, le soleil me fit un clin d'oeil. Je souris. La frontière est ténue entre crédulité et incrédulité. 

 

Faut-il tirer une leçon de ma méprise ? Faut-il douter de tout à l'époque des fake news ? Se méfier d'un pouvoir tenté de légiférer sur la vérité ? Faut-il douter du vrai sous prétexte de son improbabilité ? Et si c'était le jeu des acteurs qui sonnait faux ? Et s'il fallait ne jamais oublier que la comédie sociale reste du théâtre ? Ne pas oublier que le théâtre, c'est aussi la tragédie, qui, quand elle se répète ou balbutie, se transforme en mauvaise farce.

   

 

   

Commentaires

  • Jean-Pierre Cattelain

    Contrairement à notre

    Contrairement à notre rédacteur en chef, je n’avais pas à l’esprit cette date du 1er avril lorsque j’ouvris ce jour-là un mel adressé par Doubs Tourisme aux professionnels du tourisme dans ce département. Il y était question de la possibilité, dans un avenir proche, de skier 365 jours pan à Métabief… ah bon, tiens, le réchauffement climatique allait-il s’inverser à la frontière suisse? Non, c’est qu’un concept de ski indoor, dans un long bâtiment réfrigéré, allait être importé de Doubaï: un bâtiment à l’architecture « vertueuse », puisque la structure serait couverte de tavaillons! On pourrait donc, dès le 1er avril 2025, skier en plein août à Métabief!

    C’était tellement « gros » qu’il était difficile d’adhérer à l’annonce. Mais le doute subsistait: n’a-t-on pas vu ces dernières années des élus locaux, et des responsables (?) régionaux du tourisme s’enthousiasmer pour un concept aussi … renversant (il s’agit bien d’inverser les saisons): un projet de complexe aquatique chauffé à température tropicale toute l’année au milieu d’une forêt jurassienne?

    ‘Comme le dit si bien l’auteur du billet ci-dessus: Faut-il douter du vrai sous prétexte de son improbabilité ?

    Jean-Pierre Cattelain


Laisser un commentaire