Cadrage national et concertation locale : pour affronter la situation sanitaire, de nouvelles pratiques dans l’Education Nationale s’imposent !

Il semble urgent de penser d’ores et déjà à la rentrée de septembre dans établissements scolaires (écoles, collèges, lycées professionnels et généraux).

La brève expérience du premier degré nous livre ses premiers enseignements, utiles à un accueil plus large en juin et une rentrée relativement sereine en septembre.

Le fonctionnement hyper-pyramidal de l’Éducation Nationale a montré son incapacité à répondre aux besoins liés à la crise. Chaque échelon hiérarchique se défausse sur l’échelon inférieur pour éviter d’endosser la responsabilité de nouvelles contaminations. Des règles extrêmement strictes sont imposées à l’écrit tandis qu’à l’oral, il est fait appel au bon sens, à la capacité d’adaptation des textes et à la nécessité de reprendre le cours de la vie. Les décisions imposées dans la précipitation se révèlent difficilement applicables sur le terrain. Il en va ainsi d’un protocole sanitaire arrivé trop tardivement et déconnecté du vécu des relations entre enfants et professeur.e.s des écoles. Le discours politique, sans réelle volonté et moyens, se trouve contredit par la réalité. Nos écoles devaient réouvrir essentiellement pour accueillir les élèves les plus fragiles. Si nous pouvons être d’accord avec ce principe, force est de constater qu’aucune action concrète n’a été entreprise par le ministère pour toucher plus particulièrement les familles visées par ce discours et les enfants en danger.

Dans le premier degré, le retour à l’école des enseignants a montré les risques liés à l’absence de mesures concernant spécifiquement les personnels dans leurs situations de travail sans élève. Cette absence peut être perçue comme un signe d’indifférence aux risques sanitaires encourus par les personnels au cours des temps nécessaires de concertations, de préparations, de réunions entre adultes.

Les inquiétudes pour juin sont donc vives : comment accueillir tous les élèves volontaires et ceux qui en ont le plus besoin tout en appliquant un protocole qui est déjà difficilement applicable avec seulement une petite dizaine d’élèves ? La question se pose pour les écoles mais aussi pour les collèges et lycées puisqu’un collège de Besançon prévoit déjà des effectifs à 18 bien que le protocole ministériel préconise une limitation à 15. Faire respecter la distanciation physique peut s’avérer tout aussi délicat avec des adolescents qu’avec de petits enfants. Dès lors, que cache le discours officiel sur la réouverture plus large des établissements ? De belles paroles avec l’espoir que les élèves soient de fait peu nombreux à revenir ?

Toute cette impréparation au plus haut niveau de la hiérarchie nous fait craindre pour septembre. Car c’est une véritable révolution culturelle de l’Education Nationale qu’imposent la situation sanitaire et ses incertitudes. Comment désormais concilier le cadrage national avec une réalité locale, évolutive et contrainte par le virus ?

Le cadrage national est nécessaire, notamment pour définir des effectifs allégés et adaptables. A titre d’exemple, dans le second degré, hors enseignement prioritaire, il serait pertinent de construire des classes au maximum à 28 élèves afin qu’elles soient facilement divisées en deux en cas de recrudescence du virus. C’est également au niveau national que doivent être décidés des allégements de programme, voire des programmes modulables. Les différents membres de l’Education Nationale sont aussi en droit de demander une véritable politique de santé déployée sur l’ensemble du territoire avec plus de médecins et d’infirmièr.e.s scolaires et avec une réelle médecine du travail pour les personnels. La possibilité d’un accompagnement psychologique pour les élèves, comme pour les enseignants, doit être au rendez-vous de la rentrée.

Le ministre doit apprendre à faire confiance aux acteurs de terrain, des recteurs aux enseignants, sans oublier les parents, pour élaborer des scénarii compatibles avec la complexité des réalités locales (locaux, santé des personnels, possibilité d’appuis extérieurs, etc). Rentrée sous le signe de la « normalité » ou du confinement complet ou d’une reprise en présentiel partielle ? Personne aujourd’hui ne peut le prévoir. Mais seul un travail de concertation au plus proche du terrain permettra de construire une rentrée efficiente mais aussi d’assurer le bon déroulement de l’année quelle que soit la situation sanitaire.

Besançon, le 28 mai 2020

Le collectif éducation bisontin (@ProfsdeBesac), qui rassemble des enseignants des premier et second degrés ainsi que des universitaires.

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