Avis du comité européen GE Power sur le projet de restructuration STEAM/FIELDCORE

L’Europe est au cœur d’une guerre énergétique mondiale, et a des obligations envers ses citoyens en termes de transition énergétique. GE avec l’achat de la branche énergie d’ALSTOM est de fait devenu un acteur majeur de cette transition.

La Chine et les Etats-Unis ont déjà mis en place des plans de transition énergétique dans lesquels ils ont intégré leurs acteurs industriels. Pendant ce temps l’Europe subit des pertes de compétences. Il ne peut pas y avoir transition énergétique sans Industrie !

GE devrait être un partenaire industriel clé pour la transition énergétique, d’une part en vendant ses produits, mais aussi d’autre part en investissant pour proposer des solutions innovantes.

La vapeur (STEAM) est au cœur du mix énergétique actuel (charbon et nucléaire) mais aussi du mix énergétique futur (SMR, biomasse, traitement des déchets, géothermie, solaire par concentration), et également des process industriel (cogénération, production d’hydrogène, etc.).

Le groupe GE dispose pourtant des moyens d’investir, mais a très peu investi dans Steam depuis le l’achat de la branche énergie d’Alstom en 2016. En 2020, malgré la COVID19, le groupe a généré 3.8 Mds$ de profits industriels. Il a plus de 36 Mds$ de cash disponible. Ses échéances de dettes sont maintenant mesurées et échelonnées dans le temps, et sa politique de cession d’activités lui donne les moyens d’encore les réduire.

Malheureusement, ce n’est pas la stratégie appliquée par Larry CULP qui, lui, préfère imposer des restructurations pour augmenter le profit de ses business, décidées sur la base de ratios financiers de rentabilité permettant effectivement un retour sur investissement à très court terme mais détruisant en parallèle les capacités à pérenniser des activités industrielles stratégiques.

GE n’investit désormais que sur des produits ou des offres qui n’auront que des profits immédiats présentant des risques modérés. Donc contrairement aux annonces, GE n’investit pas dans la transition énergétique, mais détruit les capacités européennes permettant de la réaliser. Le plan de restructuration de STEAM/FIELDCORE n’en est malheureusement que la plus récente démonstration.

D’ailleurs, il est important de noter que ce projet sert les Etats-Unis en supprimant des capacités en Chine et en Europe et en renforçant l’allié Indien.

Le projet soumis à consultation ne consiste pas seulement à arrêter les activités de construction de centrales à charbon neuf. Il vise aussi à se retirer de tout business insuffisamment rentable. Ce projet sacrifie les savoirs faires historiques développés en Europe.

En effet, sous couvert d’arrêt du charbon neuf, ce sont de multiples activités historiques de STEAM qui sont mises en cause :

  • Le traitement des fumées pour les chaudières (AQCS), les métiers d’ensemblier de central et de gestion des auxiliaires électriques et mécaniques sont abandonnés, y compris en termes de service, que cela soit pour de la maintenance ou la fabrication de pièces de rechange.
  • Les activités de turbines industrielles qui représentent un potentiel important de projets notamment en Europe. Ces projets demandent une réactivité et une proximité qui ne sera pas atteinte avec des équipes maintenant exclusivement indiennes.

La conséquence est une spécialisation de STEAM autour de la seule activité nucléaire neuf et d’un Service (après-vente) recentré autour des alternateurs et turbines. Le but est d’en faire un business avec un carnet de commande solide, doté de profit à court terme et donc très attractif pour une vente. Mais qui dit spécialisation, dit risque accru dans un marché cyclique.

Sous couvert de réduction de dette, GE poursuit une politique de réduction de frais fixes. Et impose un niveau de R&D trop faible face à la concurrence. Ainsi elle maximise le retour de cash à court terme alors que le groupe devrait investir dans ses business industriels aujourd’hui de façon beaucoup plus importante pour mieux se positionner dans le futur.

Les hypothèses de charges qui justifient les postes à supprimer ne correspondent pas à la réalité et font courir un risque sur la pérennité du business. Les risques industriels induits par le plan, notamment dans la réduction des capacités des équipes nucléaires, ne sont pas correctement évalués.

Ainsi la restructuration devient un investissement pour être certain de pouvoir vendre STEAM au meilleur prix. Larry CULP lui-même confiait il y a peu, qu’aucune activité de GE n’avait de place gardée dans GE et donc que toutes pouvaient être vendues.

Mais dans quel état ? Car à plus court terme, GE met en péril les capacités de l’Europe à maintenir les sites nucléaires actuels et développer les sites en cours de réalisation en supprimant les savoir-faire existants. Les très nombreux licenciements et les fermetures de sites partout en Europe constituent de fait un gâchis humain sans compter une perte irrémédiable de compétences clés pour la transition de la filière énergétique.

En écartant la majorité des propositions alternatives formulées par les représentants de personnel, la direction n’accepte que de conserver 78 emplois sur plus de 1500 initialement proposés à la suppression. Ce qui nous laisse penser que seule l’obligation légale de répondre importe à la direction sans prise en compte de l’aspect industriel. On aboutit donc bien au final à un projet de désindustrialisation européenne dans un contexte de guerre énergétique.

Le Comité Européen GE POWER tient à rappeler ici son projet alternatif :

  • L’arrêt de tous ces plans sociaux dans le secteur énergie de GE afin de conserver les expertises et savoir-faire à la vue des enjeux de transition énergétique à l’échelle Européenne,
  • La définition d’un projet industriel européen cohérent pour contribuer à cette transition en

utilisant les emplois et compétences présents en Europe,

  • La relocalisation des centres de décisions pour l’Europe afin de pouvoir traiter localement les commandes,
  • L’investissement dans la R&D en Europe et non pas seulement aux USA,
  • Un plan de relocalisation en Europe de ses moyens de production pour éviter d’approvisionner ses commandes depuis des pays lointains jugés à bas coût mais réduisant la qualité et augmentant le bilan carbone.

Si la direction persiste à maintenir ce plan de réorganisation et de suppression de postes en l’état,

  • Les grands gagnants seraient la Direction Générale de GE, l’actionnariat, les banques et la concurrence car les activités deviennent plus rentables et à plus forte valeur à court terme. Il aurait un impact positif sur le prix de l’action et le remboursement de la dette. Mais il renforcerait aussi la concurrence qui pourrait alors bénéficier des parts de marchés abandonnées mais aussi de la perte de compétence et de la récupération de salariés hautement qualifiés.
  • Les perdants seraient en premier lieu les Etats et les citoyens, les clients, les employés, fournisseurs et partenaires. Mais pour l’activité STEAM également, les conséquences seraient désastreuses :
    • Pas d’investissement à long terme sans retour rapide dans l’activité STEAM
    • Moins de solutions pour soutenir l’inévitable transition énergétique,
    • Des suppressions de poste et un avenir incertain pour les salariés,
    • Volumes de projets et de chiffre d’affaires plus faibles,
    • Fragilité accrue en cas de retournement du marché,
    • D’avantage de risque sur l’exécution du carnet de commandes,
    • Une réduction des opportunités de marché par une réduction périmètre envisagé.

Pour les représentants du personnel, ce projet de restructuration est trop dangereux aussi bien pour le futur des entreprises STEAM/FIELDCORE que pour les enjeux environnementaux et sociaux, et ne doit pas être mis en place. C’est pourquoi le Comité Européen GE POWER se prononce contre la mise en place de ce plan et demande son abandon pur et simple au profit d’une réelle stratégie industrielle répondant aux besoins de la transition énergétique, et prenant en compte le rôle social et environnemental de l’industrie.

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