Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu (donc) rien venir ?

Parce que bon, les urnes qui bleuoient, ça commence à se voir. Tu trouves pas ?

Permets que je te tutoie, c’est la citation de Perrault qui m’y invite.

On va pas refaire ici tout le topo de ce deuxième tour, mais disons pour faire simple que ça semble moins gagné d’avance qu’au départ pour toi.

Déjà, il y a la girouette qui perd de son lustre chaque jour et qui grince sur son axe. Avant le 28, elle sera peut-être même descendue de son clocher, va savoir. Déjà hors-jeu, en tout cas.

Ce qui laisse un boulevard à Fagaut. On le voit bien, et il ne s’en prive pas. Visiblement, c’est un habile tacticien, au sens purement politicien, et il est en train d’emporter la mise. Il fait ses coups de comm, flatte par-ci tel électeur, et par-là tel autre. Il nous cuisine une sacrée tambouille comme même les politiques de ton équipe ne nous ont jusqu’ici pas habitué à déguster (c’est dire!).

Car personne n’est dupe, son coup du “Terra Vesontio”, on a tous compris que ce n’est essentiellement qu’un piège-à-Vignot (assez bien décrit ici). Un bon coup de politique politicienne, mais qui ne règlera rien au fond des problèmes et à la globalité de l’urgence. Le programme du père Ludo, c’est un bon vieux programme de droite, pro-bagnole, pro-croissance, de fibre sécuritaire et libérale. Sa double page sur les Vaîtes, qui ressemble au fond à l’alter-projet que portait sincèrement la liste Arnoux, c’est juste de la stratégie, du positionnement politique.

Mettre une cuillère de sirop de menthe dans l’eau croupie, ça la rend peut-être un peu verte, mais le résultat reste imbuvable.

Donc te concernant, il ne te reste plus qu’une petite semaine. Quelques jours pour envoyer un signal fort. Même, que c’est peut-être trop tard. Probablement.

Car il suffit d’aller faire un tour aux Vaîtes ces jours-ci. Discuter avec les occupants, participer aux A.G., sentir le vent. Le vrai terreau militant écologiste bisontin n’attend plus sur les politiques. Il s’est résigné à faire le monde d’après sans eux, et même malgré eux. On scandait “dernier mandat pour le climat”, et on le pense toujours. Sauf que, on ne voit plus d’éligible à cette élection pour porter la voix de l’écologie radicale et nécessaire. On a mis presque 9% de nos voix dans les urnes du premier tour, et au final tu as fermé la porte. Alors Vignot ou Fagaut aux manettes… au fond, on se doute qu’on va se heurter à l’inertie du vieux monde, donc franchement, au point où on en est, on s’en bat un peu les cacahuètes.

L’occupation aux Vaîtes, si tu veux, c’est un véritable soulagement pour tout le monde. On attendait ça, qu’enfin assez de gens soient déter pour mettre les pieds dedans. Et là, ça va pas retomber de sitôt. Encore tout à l’heure, je faisais une course à la coop bio, et deux personnes échangeaient sur l’occupation, se demandant quand avait lieu la prochaine AG. À peine ai-je eu le temps de répondre “c’est tous les jours”, qu’une quatrième personne ajoutait “à 18h30”.

Ouais. Tout le monde regarde vers les Vaîtes. J’ai l’impression que tu détournes le regard, je me trompe ?

Bon, je ne te cache pas que si je prends la peine de rédiger ce pavé, c’est que à défaut, je préfèrerais quand même que Fagaut ne soit pas élu. Ton programme est mitigé, engoncé dans la vieille social-démocratie libérale, les petits pas réformistes. Mais bon, c’est toujours moins pire qu’une politique de droite (enfin, je crois ?).

Je te le dis sans détour, il faut que tu t’engages sur le sujet des Vaîtes. Que tu changes de position et que tu en donnes les garanties. C’est ta dernière chance, j’ai envie de dire. Sinon, c’est cuit. Dimanche prochain, on ira jardiner aux Vaîtes plutôt que de poser un bulletin dans l’urne.

(C’est quand même dingue qu’on en soit arrivé à demander à des politiciens écologistes de faire un virage écologiste. Mais bon.)

À bon entendeur.

Photo : Antoine Mermet