Agriculteur Expert ou Ex-pair ?

Paysan ? Exploitant agricole ? Le monde agricole stigmatisé ? Les agriculteurs souffrent... Mais souffrent-ils tous ? Qui peut prétendre parler en leur nom ?   Jura ; tandis que les haies continuent de disparaître sous couvert d'entretien des paysages , que les prairies permanentes sont labourées au profit de prairies artificielles temporairement "plus productives", que faute de prédateurs naturels on emploie force bromadiolone et autres pesticides, existe-t-il des agriculteurs qui tirent leur épingle de la botte de paille ? Car à bien y regarder, il s'en trouve dans le Jura qui au lieu de "tout arracher", replantent des haies, réduisent volontairement leur troupeau et recréent du lien avec la société.   Alors qu'est-ce qu'un agriculteur et qui pour en parler ? Les "agri" eux mêmes ?   La lecture du "Jura agricole et rural" est passionnante à plus d'un titre. On y suit en continu les avalanches de normes, textes, lois et recommandations en tous genres qui asphyxient la gestion administrative des exploitations et les services sous-dotés de l'Etat. On y découvre de nouveaux métiers, de nouveaux reproducteurs pour les troupeaux standardisés. On y sent l'inquiétude schizophrène du monde agricole, de plus en plus ébloui par les promesses inquiétantes du commerce international. Mercosur : faut-il imposer nos normes environnementales à l'Amérique latine ?... Ou bien faut-il laisser les agriculteurs français lutter à armes (chimiques) égales pour faire voyager la nourriture tout autour de la planète ? Les travers de la spécialisation productive dans le monde, soulignés par leurs répercussions sur la gestion de la "crise covid", n'ont pas encore été intégrés par tous les acteurs en charge de notre approvisionnement alimentaire...   Le commerce international a commencé par une affaire de tomates. Celles de hollande qui croisaient sur les routes françaises celles venues d'Espagne. Les tomates ne sont pas traditionnellement une production agricole franc-comtoise (quoiqu'on nous dise qu'elles pourraient bien le devenir avec le changement climatique). C'est pourtant un "expert" de la tomate, un ancien agriculteur des Pyrénées Orientales, qui, n'ayant pas su faire face au tir croisé des producteurs de tomates européens, profite de cet échec et du temps libre que cela lui donne pour prodiguer ses conseils à ses ex-pairs jusque dans les pages de l'hebdomadaire jurassien (Jura agricole et rural du 19 février 2021). S'il avait su faire face avec bonheur aux envahisseurs, comme on su le faire les pionniers de l'agriculture bio de sa région d'origine, le travail sur les tomates de la saison 2021 ne lui permettrait pas de trouver le temps d'écrire. Du reste, quand tout va bien, on ne se plaint pas, on ne dit rien, on profite de la vie qu'on a su se construire avec intelligence, bon sens et humilité. On arrive aussi parfois à convaincre ses voisins, ses pairs. (cf photo géoportail, du Mas des Ripouilles, en agriculture bio dans Pyrénées Orientales depuis les années 60 et trois générations)   Notre ex-pair de la tomate lui, il fustige avec une plume explosive et prolixe. Il continue dans "la culture" en produisant livres et articles sans que l'on sache si, en dehors du monde agricole, il a plus de succès qu'il n'en a eu avec ses cultures maraîchères. Il aime s'en prendre à son ancien "voisin", M. Castex, à Mme Pompili et aux coquelicots. Et que ne dit-il pas sur les 150 "écologistes" de la convention citoyenne ! Ceux "qui obéissent à des idéaux dictés par une adolescente et des vedettes de cinéma". De toute évidence, il n'a tiré de son contact avec la terre que des leçons d'équilibre financier mais aucune leçon d'équilibre social ou écologique. Il est par ailleurs capable dans un même article, de dénigrer 150 citoyens parce qu'ils sont tirés au sort, n'ont pas été élu et donc ne représentent personne, tout en dénonçant les calculs politiciens de ceux qui eux, ont pourtant bien été élus... A le lire, si les agriculteurs sont stigmatisés, c'est à cause "des autres". Les agriculteurs, eux, ne sont responsables de rien. Des irresponsables en quelque sortes. Ce positionnement victimaire est tout bonnement humiliant, en particulier pour tous les paysans qui ont a cœur de préserver la terre dont ils ont la responsabilité le temps de leur vie professionnelle, avant de la confier un jour aux générations futures. On peut douter que ce "représentant" du monde agricole, qui a échoué dans son métier et qui revendique autant d'irresponsabilité, soit représentatif des quelques 500 000 personnes ont choisi d'être agriculteur.   Cependant sa présence dans un journal qui se veut encré dans la réalité rurale, interpelle. Un journal qui le "remercie sincèrement" ! Ce qui est bien dommage pour ceux qui aiment leur travail avec la terre et avec leurs animaux, car cet "expert" ne peut qu'encourager ses ex-pairs à rester coincés dans les ornières des tracteurs surdimensionnés, inadaptés à un monde en plein changement. Ce faisant, l'"expert" venu du sud ne rend service à personne. Dommage qu'il n'ai pas su cultiver ses tomates car nous aurions alors tous, agriculteurs ou simples citoyens, eu plaisir à goûter ses productions et à l'écouter en parler avec passion et respect.

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