Le silence des blaireaux

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Le silence d'une vallée jurassienne écrasée de soleil.

Des versants couverts de feuillus prématurément jaunis et d'épicéas scolytés.

Des près poussiéreux où errent des vaches ruminant déjà leur foin hivernal.

Un champ de maïs à demi sec.

Des épis par terre, déchiquetés, éparpillés sur des traces de sabots de sangliers.

Et peut-être de blaireaux aussi.


Le silence bruissant de la nuit.

Jusqu'à ces tirs anarchiques : Saint Sylvestre à l'aube,

Au cœur de la forêt, quelques jours avant l'ouverture de la chasse.

On tue au nom de la République.

On tue sur les ordres du préfet.

On tue tout ce qui vivait dans la blaireautière.

On tue aux frais du contribuable car le chasseur n'a pas voulu indemniser les dégâts du gibier ;

Le chasseur protège ses sangliers et il garde ses sous pour acheter le maïs... il faudra bien agrainer pour tirer sur les "cochons".

On tue car le blaireau, protégé en Europe, sert encore en France d'exutoire à la tension sociale.

Du moins le croit-on encore dans les couloirs de la préfecture. Est-ce si certain ?

Car dans le village, il n'y a plus qu'un seul chasseur.

Par contre, dans le village, il y a de nombreux habitants qui ne comprennent pas.

Qui ne comprennent ni le maïs enrobé ni la mort des abeilles de leurs ruches.

Qui ne comprennent ni l'obstination à planter du maïs sur ces terres sèches, ni les traitements dont les aérosols volent jusqu'à l'intérieur des maisons,

Qui ne comprennent pas qu'une forêt se meurt et que l'on ordonne le massacre de ses jardiniers.

Car si les blaireaux profitent des cultures artificielles, ils participent surtout à l'équilibre de nos forêts, transportant des graines sur leur pelage traînant, les enfouissant dans les trous amendés par leurs déjections elles mêmes riches en semis de fruitiers, participant comme tous carnivores, à la régulations des petits herbivores friands de jeunes pousses forestières.


Aujourd'hui 7h : les tirs résonnaient du côté de la blaireautière.

Aujourd'hui 17h : la moissonneuse vrombit du côté du champs de maïs.

Les sons de la campagne racontent parfois des histoires peu glorieuses.

Cette nuit le silence ne sera plus troublé par les grattements des noctambules masqués de noir, un masque qui ne les aura pas protégé du pire des virus : la bêtise promue au rang de loi républicaine.

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