La preuve que Amazon s’implantera à Belfort

Après les indices et les soupçons, la preuve. Le permis de construire déposé par la société Vailog mentionne bien Amazon comme étant le client final de sa plateforme logistique sur la ZAC de l’Aéroparc. Cette trace avait été caviardée, mais mal effacée sur une annexe du permis de construire validé par les services du Grand Belfort et signé par le maire de Fontaine. Contrairement à ce qui a été affirmé, c’est donc bien Amazon qui se cache derrière le nom de code Citadelle.

amazon

Il y avait déjà de forts soupçons, tant les indices s’accumulaient pour désigner Amazon comme étant le client final d’une plateforme logistique de 65 000 m² dont les travaux ont débuté sur la ZAC de l’Aéroparc, idéalement située au nord-est de Belfort, à proximité de l’autoroute, d’une gare TGV, de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, de la Suisse et de l’Allemagne. Nous apportons maintenant la preuve irréfutable que c’est bien l’entreprise Amazon qui s’y implantera. En effet, nous avons pu retrouver le nom d’Amazon dans les annexes du permis de construire déposé par la société Vailog, filiale de Segro, le leadeur européen de l’immobilier logistique.

Le nom du client final avait été caviardé, mais une recherche du terme Amazon dans le document renvoie à deux occurrences… non visibles à l’œil nu. Celles-ci apparaissent dans le formulaire d’attestation de la prise en compte de la réglementation thermique rédigé par Vailog pour l’entrepôt de la zone de l’Aéroparc, mis en ligne par la préfecture du Territoire de Belfort (ou ici). Sur l’emplacement indiqué, rien n’apparait, mais il est tout de même possible d’opérer une sélection sur un texte blanc sur un fond blanc qui n’apparait donc pas à l’écran. Et magie, après un copier-coller sur un autre document, c’est bien le nom Amazon qui s’inscrit. Le terme avait été, mal, effacé. Le document initial portait sans ambiguïté les références : « Amazon Projet “Citadelle” » et « Bâtiment Amazon ».

Un permis validé par les services de Grand Belfort

Le formulaire fait partie des annexes du permis de construire, qui a été instruit et validé par les services de Grand Belfort, propriétaire des terrains de l’Aéroparc. Interrogé avant d’avoir fait cette découverte, le maire de Belfort se contente de dire qu’il a signé le permis avec Vailog et personne d’autre. Il refuse de confirmer que le client final est Amazon. Après lui avoir fait part de l’existence de cette mention, il maintient ses propos. Pierre Fietier, le maire de Fontaine, commune d’implantation de l’entrepôt géant et conseiller communautaire du Grand Belfort en charge du développement de la zone d’activité de l’Aéroparc, dit qu’il ne sait rien du tout. C’est pourtant lui qui a signé le permis, mais il nous affirme que les documents en sa possession ne font pas mention d’Amazon.

Cela peut paraitre surprenant, mais ce qui est certain, c’est qu’Amazon agit dans l’opacité. Craignant ses concurrents et les oppositions, Amazon fait signer des clauses de confidentialité aux élus avec qui il traite. Nos confrères de Reporterre ont publié l’une de ces clauses, rédigée en anglais et qui serait contraires aux dispositions légales, signée par un seul élu de Metz Métropole. Il ne fait guère de doute qu’une telle clause doit exister pour le projet de Belfort. Damien Meslot en faisait d’ailleurs indirectement état lors de l’annonce de la signature du permis de construire dans les colonnes de l’Est Républicain en novembre 2019. « C’est deux ans de travail, avec des clauses de confidentialité extrêmement strictes. Nous ne pouvions rien dire. Mais voilà, c’est signé, nous pouvons l’annoncer ». Il réfute aujourd’hui complètement avoir paraphé une telle clause. Le maire de Fontaine semblait un peu agacé au téléphone et n’a pas répondu à cette question dans le mail qu’il nous a adressé par la suite.

« Impossible que le président de l’agglomération ne le sache pas »

Pour Bastien Faudot, élu de la Gauche républicaine et socialiste au conseil départemental du Territoire de Belfort et de la ville de Belfort, « il est impossible que le président de l’agglomération ne le sache pas. Les pouvoirs publics n’investissent pas 10 millions d’euros pour une société dont ils ne connaissent pas le nom ». Il fait notamment référence au projet de contournement routier porté par le département du Territoire de Belfort et d’autres opérations de viabilisations et aussi les mesures de compensation environnementales portées par la SODEB, la Société d'équipement du Territoire de Belfort, en lieu et place du client final. « La stratégie d’Amazon est d’avancer masqué. Ils expliquent aux élus locaux que s’ils ne respectent pas les clauses de confidentialité, ils peuvent remettre en cause le projet. Donc les élus locaux se taisent et tout ça échappe à la démocratie ».

Quoi qu’il en soit, cette mention oubliée d’Amazon dans le permis de construire ne laisse plus de place aux doutes. Bastien Faudot était déjà persuadé que Amazon se cachait derrière le mot de code « Citadelle ». Il a aussi fait le lien avec un autre projet, nommé Lana, et porté par la société Vectura. Il s’agit cette fois d’une plateforme de livraison de 9800 m², contiguë à l’entrepôt de Vailog sur la ZAC de l’Aéroparc. Dans l’étude d’impact de ce dernier, les deux projets apparaissent ensemble, tous deux dessiné dans le même plan d’architecte. De quoi y voir une opération coordonnée. En comparant les plans et les éléments graphiques de ces deux entrepôts, il s’aperçoit aussi qu’ils sont en tout point similaires à d’autres entrepôts connus d’Amazon. Son analyse est développée sur le site Le Trois.

Un objectif : esquiver le débat public

Pour lui, le fait qu’il y ait deux aménageurs, mais un seul exploitant, ne vise qu’un objectif : esquiver le débat public. Car la plus petite plateforme n’est pas soumise à l’enquête publique, alors que c’est elle qui causera le plus de nuisances, avec 400 allers-retours annoncés par jour effectués par des petites camionnettes, sans compter les poids lourds et le déplacement des salariés. Pour sortir de cette opacité, il réclame un référendum local. Peut-être que nos révélations permettront de clarifier les termes du débat. Les défenseurs du projet défendent les emplois, les opposants dénoncent justement les pertes d’emplois induites par le e-commerce et les impacts environnementaux.

Sur le terrain, les opérations sont de toute façon d’ores et déjà bloquées. Un recours est déposé au Tribunal administratif contre le permis de construire et un autre a été déposé par Les Amis de la Terre, FNE 90, trois communes et deux associations de riverains contre l’autorisation environnementale accordée par la préfecture.

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